Ministère amer
Pas facile d’être une écolo de droite. Chantal Jouanno l’expérimente après d’autres.
dans l’hebdo N° 1096 Acheter ce numéro
En s’avouant « désespérée » par l’abandon de la taxe carbone, et en ajoutant le lendemain « que le Medef avait plombé » ce projet – ce que tout le monde savait à droite et à gauche –, la secrétaire d’État à l’Écologie, Chantal Jouanno, a illustré une nouvelle fois la malédiction qui frappe les ministres chargés par la droite de l’environnement. Lorsqu’ils se mettent à croire en leurs dossiers et à les travailler efficacement au lieu de se limiter à des discours prometteurs, ils entrent invariablement en conflit avec leur sensibilité politique et la grande ou petite industrie.
Au Panthéon des ministres de l’Environnement victimes de leurs contradictions, Chantal Jouanno rejoint d’illustres prédécesseurs. Il y eut d’abord le premier d’entre eux, Robert Poujade, cacique du gaullisme et de l’UDR (ancêtre lointain de l’UMP), qui fut viré en 1974 pour avoir « embêté » les pollueurs et osé s’attaquer aux fabricants de papier refusant de réduire leurs rejets d’effluent dans les cours d’eau. Il écrivit ensuite, pour s’expliquer, un livre que devraient relire ses successeurs, le Ministère de l’impossible , dans lequel il notait : « Je crains que certains n’aient vu surgir la crise économique comme une sorte de réponse du destin à leur immense interrogation. » Il continuait sur la « nécessité de desserrer l’étau du marché » pour régler tous les problèmes écologiques. Pour ne pas avoir lu attentivement ce livre testament, Nathalie Kosciusko-Morizet fut également remerciée. D’autant plus qu’elle avait commis la faute de se passionner pour ses dossiers et d’avoir mené la vie dure à ses amis partisans des OGM. Avant elle, Corinne Lepage, dont on oublie trop facilement le passage dans le gouvernement d’Alain Juppé, fut remerciée en compagnie de quelques autres pour avoir eu la faiblesse de croire qu’il était possible de faire de l’écologie une question centrale dans un gouvernement de droite.
Ensuite, il ne faut surtout pas oublier Serge Lepeltier, chassé du pouvoir pour avoir fait adopter, à la demande de Jacques Chirac, une charte introduisant le principe de précaution et celui de pollueur-payeur dans la Constitution. Aujourd’hui maire de Bourges, empêché de redevenir sénateur, rejeté de la liste régionale menée par l’ancien militant d’extrême droite Hervé Novelli, il paye toujours ses audaces et sa volonté de changer les rapports de force dans le domaine de l’environnement. Lui aussi avait commis l’imprudence de désigner du doigt les pollueurs et l’industrie automobile.
Jean-Louis Borloo, lui, ne risque absolument rien…