Poussières et chaos
La paralysie du transport aérien en Europe provoque une polémique sur les précautions adoptées.
dans l’hebdo N° 1099 Acheter ce numéro
Quelque 7 millions de passagers bloqués, entre 15 000 et 20 000 vols annulés par jour, près de 70 000 au total lundi dernier, alors que l’activité reprenait lentement, avec 30 % des liaisons assurées. Les gouvernements européens en ont-ils trop fait en clouant au sol la plupart des avions qui devaient voler au-dessus de l’Europe depuis mercredi 17 avril ? Les autorités ont-elles surestimé le risque représenté par l’énorme nuage de cendres projetées entre 5 000 et 8 000 mètres d’altitude par l’entrée en éruption, ce jour-là, du volcan islandais Eyjafjöll ?
La polémique commençait à enfler avec l’addition des pertes « astronomiques » brandies par les compagnies aériennes : près de 150 millions d’euros par jour ! Pour frapper les esprits, certains opérateurs affichent désormais une comparaison douteuse : ces pertes dépasseront celles qu’avait occasionnées la fermeture de l’espace aérien états-unien à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Les titres boursiers de certaines compagnies aériennes avaient perdu jusqu’à 5 % lundi dernier. S’additionnera le manque à gagner des nombreux secteurs d’activité qui dépendent du transport aérien : opérateurs de tourisme, aéroports, commerce de denrées en tous genres, etc.
Phénomène naturel qui n’a causé aucun décès, l’éruption fait d’ores et déjà partie des catastrophes industrielles majeures des dernières années. Il révèle combien le transport aérien a conquis une place prépondérante dans les échanges d’une économie qui fonctionne à flux tendu. Tellement tendu que parmi la centaine de compagnies aériennes touchées, certaines pourraient ne pas survivre à plus d’une semaine d’inactivité ! Les opérateurs de tourisme brandissaient une menace équivalente : quinze jours de marasme volcanique, et c’est la mort du secteur.
Même s’il faut faire la part de l’outrance, ce sont d’énormes enjeux économiques qui commençaient à s’imposer aux autorités au bout de cinq jours seulement. Il faut leur savoir gré de n’avoir pas transigé. Mais qui aurait pris le risque ? Une probabilité d’accident d’à peine 1/10 000, ce sont deux avions par terre par jour…
Comme c’est le cas pour les inondations, la société se trouve de plus en plus fragilisée par d’importants événements naturels de faible fréquence mais dont le retour est néanmoins « certain ». Ainsi, les avionneurs et les compagnies ont une expérience quasi nulle de l’impact des cendres volcaniques – les avions contournent ces panaches. Une demi-douzaine d’incidents ont montré que les réacteurs pouvaient se bloquer. Mais à quelle taille et de densité de particules ? Les Islandais avertissent : Eyjafjöll est un volcan mineur. Mais ses éruptions annoncent en général celles du Katla voisin, beaucoup plus dangereux, parfois un à deux ans plus tard seulement. Tout le monde est prévenu.