Un rap de résistance
dans l’hebdo N° 1096 Acheter ce numéro
Dans son autobiographie, la Face B, Akhenaton ne se montre pas tendre à l’égard du rap français actuel : « Il s’est fourvoyé », écrit-il. De la même façon, dans un morceau de 2008, que l’on retrouve sur la compilation CD parue parallèlement au livre, il fustigeait ce qu’il appelait « le rap de droite » , qui « parle plus de fesses que de fond » . On peut comprendre sa déception. Celle d’un artiste qui a contribué intelligemment à populariser un genre ayant changé le cours de l’histoire de la musique, qui a toujours cherché à éviter les clichés, et qui a ensuite été le témoin d’une triste régression faite de machisme et de violence gratuite.
Aujourd’hui, la plupart du temps, le hip-hop n’est plus qu’une grotesque parodie de ce qu’il fut à l’origine. L’histoire d’Akhenaton, Philippe Fragione de son vrai nom, c’est bien sûr celle du groupe IAM, qu’il a fondé à la fin des années 1980 au retour d’un voyage à New York, où il avait côtoyé les premiers DJ et rappeurs, mais c’est aussi celle d’un petit-fils d’immigrés napolitains, ayant grandi dans un village au nord de Marseille, qui s’est très tôt intéressé à des cultures peu prisées par les gens de sa génération.
L’Égypte antique (Akhenaton était un pharaon qui régna en 1370 avant J.-C.), la Sicile évidemment (ses albums solos y feront souvent référence), l’islam, qu’il découvrit en lisant d’abord les poètes et les savants, ont ainsi servi de toile de fond – aussi bien dans certains de ses textes que dans le choix de « samples » empruntés aux musiques orientales – à beaucoup de ses enregistrements. Ce qui ne l’empêche pas, bien sûr, de s’attaquer dès qu’il le peut, avec une véhémence stylée, aux injustices de notre monde, lui qui se définit dans son livre comme « l’archétype du citoyen de gauche déçu par la fausse gauche » … Avec ses opinions tranchées découlant d’analyses minutieuses du quotidien, ses éclaircissements et son partage des connaissances, la Face B , le livre comme les disques, est en fait à l’exact opposé d’un rap « fourvoyé » d’aujourd’hui.