Comment on abat l’héritage de la Résistance
Le rassemblement des Glières met en lumière une politique de démantèlement des services publics, de la Sécurité sociale et du système de retraite par répartition.
dans l’hebdo N° 1103 Acheter ce numéro
Prononcée en 2007, quelques mois après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, cette phrase de Denis Kessler, ancien vice-président du Medef, a le mérite de la clarté : « Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) […] Le gouvernement s’y emploie. » Particulièrement la seconde partie de ce programme, qui concerne notamment les mesures consacrées aux réformes économiques et sociales.
« Le droit au travail et le droit au repos » sont reformulés dans le slogan sarkozyste « travailler plus pour gagner plus ». En arrière-plan, sont démolies des lois sur le temps de travail mises en place dès 1946 (loi sur la semaine des 40 heures), en application du programme du CNR, une horreur pour les dirigeants d’entreprise. Tout est mis en œuvre pour torpiller ces droits sociaux, ainsi que la loi sur les 35 heures – certes un marché de dupes pour nombre de salariés. Au pouvoir, Nicolas Sarkozy et son gouvernement iront jusqu’à valider une nouvelle durée maximale de travail légale, 65 heures par semaine, promulguée par la Commission européenne.
D’autres réformes sociales sont dans la ligne de mire patronale et présidentielle. Issues aussi du programme du CNR, les fameuses ordonnances de base de la Sécurité sociale datant de 1945 et la loi de 1946 indiquent que le « nouveau régime se réclame du principe général d’universalité de la protection sociale pour tous les salariés, avant de l’être pour l’ensemble de la population » , rappelle l’historien Olivier Vallade [^2].
Ce mode d’organisation est une véritable entrave pour le néolibéralisme en vogue dans les années 1980. Une contre-offensive du secteur privé est lancée en 1989. Les compagnies d’assurance mettent un pied dans la complémentaire maladie, jusqu’alors gérée par des organismes sans but lucratif. Les années 2000 seront celles de la « refondation sociale » du Medef, qui s’emploiera pendant trois ans à revisiter le compromis de 1945. Pendant ce temps, la politique d’exonération de charges sociales des entreprises, en progression tout au long des années 2000, mettra à mal la Sécurité sociale.
Nicolas Sarkozy a depuis accéléré le dépeçage de la Sécu : l’assurance-maladie et le système de retraite par répartition sont laminés. Les services publics disparaissent. Et rien ne semble modifier ce cap, pas même la crise financière de 2008, qui a pourtant montré l’échec des dérégulations.
[^2]: Lire les Jours heureux, Citoyens et résistants d’hier et d’aujourd’hui, La Découverte, 2010.