Les écologistes entament leur mue
Les Verts et Europe Écologie se réunissent le 8 mai en conventions régionales. Ils se donnent six mois pour lancer un grand mouvement politique après leurs bons résultats des dernières élections.
dans l’hebdo N° 1101 Acheter ce numéro
Surtout ne pas gâcher un succès aussi prometteur : c’est le leitmotiv qui habite les commentaires des écologistes depuis leur percée des élections européennes (16,3 % des voix), confirmée lors des régionales (12,5 %). Car, si l’attelage Verts et Europe Écologie s’est montré gagnant à deux reprises dans les urnes, le bricolage a atteint ses limites. Sans difficulté, les instances dirigeantes des deux partenaires ont adopté, au lendemain des régionales, un calendrier qui les mènera dans six mois à des assises de l’écologie politique qui devront dessiner les contours d’une nouvelle force écologiste en France.
Le 8 mai, les militants entameront les réflexions en région. Elles seront rassemblées lors d’une convention nationale les 5 et 6 juin, puis occuperont les journées d’été des écologistes (19 au 21 août) jusqu’aux assises, à l’automne.
La clarification du positionnement politique, le programme ou la stratégie pour la présidentielle et les législatives de 2012 sont au menu. Mais pas encore en plat principal. C’est le morceau en apparence le moins noble qui excite les esprits : quelle nature pour ce nouveau mouvement écologiste ? Derrière cette question de forme se nouent des débats de fond : quel ancrage des écologistes dans la société ? Les Verts seront-ils au centre du dispositif ou bien dilués ?
Et les esprits se sont déjà largement échauffés, à peine passées les régionales. D’un côté, les partisans d’un mouvement « unique », où viendraient se fondre toutes les composantes de l’écologie politique. Tête de file : Daniel Cohn-Bendit, qui proposait la création d’une « coopérative politique », soutenu par une brochette de cadres d’Europe Écologie et des Verts [^2] qui ont lancé un appel au « dépassement des Verts » . Si l’on ne parle pas en clair de dissolution du parti, on n’en est pas loin.
L’autre proposition est celle d’une forme fédérative, esquissée par Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts : il s’agirait de constituer un mouvement « polymorphe » où s’articuleraient le parti « transformé » et le réseau des militants d’Europe Écologie. Bref : organiser et consolider l’attelage gagnant.
« Vision passéiste ! », a rétorqué Cohn-Bendit, dont plusieurs Verts, proches de Duflot ou non, ont cinglé en retour la prérogative d’arbitre qu’il s’octroie. Le ton est monté au point qu’une réunion de « conciliation » a été organisée en urgence le 15 avril. Les positions y ont un peu bougé, Cécile Duflot ayant précisé qu’elle n’était pas favorable à une « fédération » d’organisations, rapporte Yannick Jadot, député européen et porte-parole d’Europe Écologie : « Une telle structure aurait l’inconvénient majeur à nos yeux de mettre les Verts, principale force organisée, en capacité d’imposer leurs vues aux autres. » Mais les autres partenaires y sont-ils prêts ? « CAP 21, de Corinne Lepage, qui envisage de nous rejoindre, semble accepter l’ancrage à gauche des Verts mais pas l’idée d’une dissolution » , relève Jean-Louis Roumégas, porte-parole des Verts.
Quelle que soit leur sensibilité, les écologistes se rejoignent en tout cas pour redouter le péril d’une métamorphose qui traînerait en longueur. Outre le retard pris à se mettre en ordre de marche pour les échéances majeures de 2012, les militants les plus récents risquent de se désintéresser rapidement de jeux d’arcanes peu motivants. Ensuite, les Verts vont devoir accepter, sous la pression, de se déposséder de leur autonomie. C’est déjà en cours, avec le rapprochement des instances dirigeantes du parti et d’Europe Écologie. Mais c’est à tous les échelons que les cadres Verts devront partager les décisions avec de nouveaux militants. À ces derniers, il a désormais été demandé d’adhérer formellement à la structure Europe Écologie pour continuer à participer au processus. Le rendez-vous du 8 mai permettra déjà de compter les troupes désireuses de construire « le premier grand mouvement politique du XXIe siècle en France après l’échec du MoDem et du NPA » , comme le décrit Yannick Jadot.
[^2]: Non-membres du courant majoritaire du parti, comme le député Yves Cochet.