« Nous avons été trahis »

Pour le député Verts François de Rugy, la loi Grenelle 2 consacrerait une régression environnementale si elle était votée en l’état.

Patrick Piro  • 6 mai 2010 abonné·es

Politis : Le projet de loi Grenelle 2 donne le sentiment d’un recul généralisé. La suite logique de la loi Grenelle 1 ?

François de Rugy I On peut concéder des avancées à la loi Grenelle 1, par exemple la création des « trames vertes et bleues », un maillage cohérent de zones écologiques destiné à préserver la biodiversité. Mais, avec la loi Grenelle 2, les dernières illusions s’évaporent. Ces trames ne sont ­désormais plus opposables aux documents d’urbanisme : tout projet ­d’infra­structure pourrait avoir la priorité… Et il en va de même dans tous les domaines.
Le compromis initial du Grenelle n’est pas affaibli, il est trahi. En 2007, le gouvernement avait passé un pacte, que nous avions soutenu, avec la société, les partis, les forces économiques, etc. Mais il n’est plus à l’ordre du jour. Des décisions actent des reculs très importants sans la moindre concertation. Et, sur le fond, cette loi prépare de vraies régressions environnementales – un comble !
En fait, Nicolas Sarkozy a entamé une offensive anti-écologique, clairement assumée par sa tirade du Salon de l’agriculture –  « l’environnement, ça commence à bien faire » . Agriculteurs, chimistes, industriels, industrie nucléaire, transports routiers : il a cédé à tous les lobbies !

Selon le ministère de l’Écologie, la France est « dans le trio de tête européen, voire en position de leader, sur les grands chantiers du Grenelle : énergies renouvelables, bâtiment, transports, voitures propres, gouvernance, recherche ». Vous n’avez pas les mêmes chiffres ?

On pourrait en rire si l’affaire n’était aussi grave… Il ne faut pas avoir peur de prendre les Français pour des idiots ! Qui peut y croire ? Exemples : la France investit entre deux et cinq fois moins que l’Allemagne et l’Espagne pour les renouvelables, le bonus pour les véhicules les moins polluants a été réduit, la part du fret ferroviaire pourrait être divisée par deux, etc.

Vous êtes élu de Loire-Atlantique, où les écologistes luttent contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le gouvernement va-t-il le soutenir ?

Il n’a pas encore pris sa décision, mais il s’en est donné les moyens : pour Dominique Bussereau, secrétaire d’État aux Transports, ce projet est « grenello-compatible » car simple « transfert » de l’aéroport de Nantes, et non pas une « création » . Peu importe que soit prévu un doublement des pistes et du trafic…
Notre-Dame-des-Landes illustre bien l’ordre de priorités du gouvernement : il aura fallu près de trois ans pour transcrire les conclusions du Grenelle d’octobre 2007, pendant que les projets d’infrastructures qui auraient dû être remis en cause ont gagné du terrain, comme ces tronçons d’autoroute finalement mis en chantier.

Le Grenelle de la mer, dont les comités opérationnels viennent de rendre leur copie, semble mieux engagé que le Grenelle « environnement »…

Je crains que ce soit une illusion, il est plombé par les atermoiements du gouvernement face aux pêcheurs. On peut même se demander si le Grenelle de la mer trouvera une traduction législative avant la fin du mandat ­présidentiel. C’est actuellement le flou le plus complet.

Écologie
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