Royaume-Uni : Une crise politique
Après cinq jours de marchandage, le « centriste » Nick Clegg hésitait toujours mardi sur la nature de la coalition à former.
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En dépit de quelques signes d’impatience et d’exaspération du côté de David Cameron, la Grande-Bretagne n’avait toujours pas de Premier ministre mardi matin. Promu faiseur de roi avec un score pourtant très décevant (23 % des suffrages exprimés), le libéral-démocrate Nick Clegg continuait de jouer avec les nerfs de ses deux prétendants. Bien que le chef du Parti conservateur (36 %) soit le mieux placé, l’hypothèse d’une coalition avec les Travaillistes, minoritaires (ils ont obtenu 29 %), n’était pas exclue. D’autant que le Premier ministre sortant, Gordon Brown, avait provoqué lundi un coup de théâtre en proposant de s’effacer au profit d’un autre dirigeant de son parti.
Brown et Clegg ne s’appréciant guère, cette décision était de nature à faciliter un accord entre les lib-dem et les Travaillistes. On parlait, pour remplacer Gordon Brown, de l’actuel ministre des Affaires étrangères, David Miliband. Nick Clegg a immédiatement salué la décision du Premier ministre comme « un élément important ». Côté conservateur, on n’était pas restés inactifs non plus. Le négociateur des Tories, William Hague, avait concédé un référendum sur le mode de scrutin. La modification du système électoral étant la principale condition posée par Clegg. Celui-ci souhaite l’introduction de la proportionnelle en remplacement du scrutin majoritaire uninominal à un tour, qui favorise les deux grands partis du paysage politique britannique. Une demande que les Travaillistes ont déjà acceptée.
La date butoir pour la constitution du gouvernement a été fixée au 25 mai, jour où la reine doit prononcer devant le nouveau Parlement le discours-programme du nouveau gouvernement. Mais cette situation de « Hung Parliament » (Parlement suspendu) paraît particulièrement redoutable dans la conjoncture économique dans laquelle se trouve le pays. Les sacro-saints marchés pourraient faire payer la note aux électeurs, au-delà de ce qui leur est déjà promis. La crise qui paralyse depuis le 6 mai la vie politique britannique est évidemment institutionnelle. Elle montre, sur ce plan, les limites du bipartisme, aucun des deux grands partis n’ayant obtenu la majorité nécessaire pour gouverner seul. Elle résulte aussi d’un découpage électoral qui attribue 258 sièges aux Travaillistes pour 29 % des voix, alors que les libéraux-démocrates n’en obtiennent que 57 avec 23 % des suffrages. Mais la crise est peut-être aussi, et avant tout, politique. Les électeurs n’ont plus guère les moyens d’un vote de conviction.
Le glissement au centre du Parti travailliste depuis l’arrivée de Tony Blair au 10 Downing Street, en 1997, a considérablement réduit leur choix. En réalité, l’une des difficultés de l’équation à résoudre réside dans cette contradiction : sur l’Europe, sur l’immigration et même sur la question électorale, les lib-dem sont plus proches des Travaillistes. Mais un gouvernement dirigé par les vaincus du scrutin du 6 mai créerait une étrange configuration. Pour toutes ces raisons, un retour prochain des électeurs aux urnes n’est pas exclu. Sans garantie que le résultat soit très différent.