Tension extrême à Bangkok
Après deux mois de siège, le pouvoir menace de donner l’assaut contre le camp retranché des « chemises rouges », et refuse toute médiation, y compris celle des Nations unies.
dans l’hebdo N° 1103 Acheter ce numéro
Amnesty International a accusé mardi l’armée thaïlandaise d’avoir tiré à balles réelles sur des personnes sans armes et ne présentant pas de menace, lors de l’opération lancée contre le camp retranché des « chemises rouges », dans le centre de Bangkok. En quatre jours, ce sont 38 personnes qui ont ainsi été tuées, toutes civiles, à l’exception du général Seh Daeng, qui avait rejoint la guérilla. Tous les contacts entre les opposants et le régime ont été rompus depuis le 13 mai, lorsque le Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, a annulé sa proposition, faite dix jours plus tôt, d’organiser des élections anticipées à la mi-novembre. Les « chemises rouges » – environ cinq mille personnes – demandent le retour au pouvoir de l’ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra, aujourd’hui en exil au Monténégro et à Dubaï. Celui-ci avait été chassé par un coup d’État militaire en 2006.
La crise a commencé le 14 mars lorsque plusieurs milliers de « chemises rouges » avaient pris position dans un quartier commercial et touristique de Bangkok, et exigé la démission d’Abhisit. À partir du 19 avril, la situation s’était considérablement tendue, les « rouges » édifiant des barricades, tandis que l’armée organisait le siège de ce qui s’apparentait de plus en plus à un camp retranché. Le 28 avril, les forces dites de sécurité avaient une première fois ouvert le feu sur un convoi de « rouges » à l’extérieur de Bangkok. Le pouvoir refuse actuellement toute médiation, y compris celle des Nations unies. Les « rouges » demandent l’intervention du roi. Sans prérogatives officielles, le monarque, Bhumibol Adulyadej, qui règne depuis 1946, dispose d’un pouvoir moral, dont il n’est visiblement pas pressé d’user. Ce qui n’est guère étonnant, ses partisans, élites traditionnelles du pays, étant du côté de l’armée et de l’actuel Premier ministre. Au contraire des « chemises rouges », qui se recrutent plutôt dans les couches rurales pauvres. Le paradoxe est que les manifestants misent sur un homme, Thaksin Shinawatra, qui est un affairiste populiste. Élu une première fois en 2001, il avait été réélu triomphalement en 2005. Renversé par l’armée en septembre 2006, il avait été auparavant affaibli par un scandale financier. Depuis ce coup d’État, la scène politique thaïlandaise, marquée par une grande instabilité, s’est bipolarisée à l’extrême.