Toujours les paradis fiscaux
dans l’hebdo N° 1108 Acheter ce numéro
Le G20 de Toronto des 26 et 27 juin va plus débattre des modalités à retenir par les gouvernements pour faire payer aux populations les conséquences de crises dont elles ne sont pas responsables, que des moyens à mettre en place pour « désarmer la finance », comme on dit à Attac. Les informations qui percent indiquent qu’il n’y a pas d’accord concernant la taxe sur les banques, et encore moins pour une taxe sur les transactions financières. Pour les paradis fiscaux, on n’en parle même plus, depuis que le président de la République française, bravache et péremptoire, a annoncé au lendemain du G20 de Londres du 2 avril 2009, à la planète entière médusée, que le « secret bancaire, [c’était] terminé », et que les paradis fiscaux étaient « supprimés ». À la veille du G20 de Pittsburgh, le 24 septembre 2009, il récidivait : « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé. »
Au plus chaud de la crise bancaire et financière, alors que les gouvernements des États les plus riches avançaient des fonds énormes pour sauver les banques, et que la rigueur était maintenue pour les populations, les gouvernements du G20 ont bien dû imaginer quelques gesticulations pour calmer leurs opinions publiques. Les listes noire et grise de l’OCDE auront servi à cette manipulation. La mise à l’index de territoires par l’élaboration d’une « liste » a des effets très limités, dès lors que celle-ci ne s’accompagne d’aucune sanction. Et les conditions de constitution de la liste sèment plus que des doutes. À la veille de la crise financière, il ne restait plus que trois territoires de la précédente liste de l’OCDE de 2000 (Monaco, Andorre et le Liechtenstein). C’est dire la clairvoyance de l’OCDE ! C’est pourtant la même équipe qui s’est présentée pour élaborer de nouvelles listes au G20 d’avril 2009.
Dès le début, il était certain que des tractations plus ou moins diplomatiques et géopolitiques ont fait se rencontrer les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine. Le résultat, c’est l’absence de Hong-Kong, de Jersey, de Guernesey, de l’île de Man, de l’Irlande, de la City de Londres, du Delaware ou du Nevada. Sur la liste grise, il y avait tout de même des places financières « qui comptent » dans la planète de la finance offshore, notamment la Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein. L’acharnement du fisc américain à l’égard de la banque suisse UBS, qui n’a rien à voir avec les listes de l’OCDE, illustre une partie de ce qui se joue dans cette danse du scalp autour des paradis fiscaux. Pour les opinions publiques, il s’agit de les calmer (le G20 agit). Et pour les initiés, il s’agit de faire peur à une partie des clientèles de certains paradis fiscaux pour les amener à déplacer leurs fonds vers d’autres territoires. On assiste donc à une redistribution des marchés de l’offshore, de la Suisse et du Luxembourg vers les territoires principalement situés sous l’autorité de Wall Street et de la City.
Et par de promptes signatures de douze traités bilatéraux d’échanges d’informations fiscales, plus de vingt pays d’une liste grise de trente-huit territoires ont été transférés sur la liste « blanche ». Les exigences de l’OCDE y sont en effet très réduites : il faut prendre des engagements, restreints, à l’égard de douze pays, pour que les paradis fiscaux signataires ne soient plus considérés comme tels, même si les accords ont été signés entre paradis fiscaux, et même si, avec le reste de la planète, ces territoires n’ont en rien changé leur comportement ! La « manip » est claire : le procédé permet de blanchir des territoires et d’endormir les opinions publiques [^2].
Manifestement, la pression des populations est toujours insuffisante pour obliger les gouvernements en place à commencer à prendre des mesures pour réguler la finance. Les « marchés financiers », c’est-à-dire les principaux capitalistes, continuent de s’enrichir et de faire la pluie et le beau temps économiques et sociaux.
[^2]: Attac et d’autres restent vigilants. La campagne « Stop paradis fiscaux », avec la CFDT, la CGT, Solidaires, le Snui, le CCFD, Oxfam France Agir ici, la plateforme PFJ et Attac, propose une pétition à signer en allant sur