Et qu’on libère Robin des Bois
dans l’hebdo N° 1111 Acheter ce numéro
Jean-Pierre et Maurice, planqués sous des cagoules (parce que ça le vaut bien), prennent leurs magnums [^2] et investissent le Crédit franco-helvète, avenue de Bettencourt, où ils se mettent à gueuler, car ils ont du métier, « HANDS UP, MOTHERFUCKERS » : la suite est sur la vidéo de surveillance où on les voit pécho des fonds qui auraient pu servir à financer la prochaine campagne de qui tu sais, merde alors, c’est vraiment trop bête.
Puis, leur coup fait, nos deux amis s’éloignent, du pas tranquille de qui s’apprête à faire le bien, retirent leurs cagoules (putain Momo, fait chaud, là-d’sous, comment qu’il faisait, le Schueller ?), et font de leur coquet butin des liasses qu’ils redistribuent, jusqu’au dernier centime, à des assoces aideuses, comme, disons, Emmaüs, ou l’Association pour le financement de l’association pour le financement de l’association des gentil(le)s ami(e)s d’Éric Woerth (AFAFAGAW), où se réunit la crème de Chantilly [^3].
Question : d’après toi, quand Momo et Jipé vont se faire gauler par le fringant commissaire Ocatarinabellatchi (entré dans la police, tu l’auras deviné, sous le règne de Charles Pasqua) ; et quand ledit va leur annoncer comme ça qu’ils vont prendre cher – comptez sur moi, mes salauds, je suis l’ami du procureur qui est l’ami du Président et on ne va pas vous rater – ; et quand Momo & Jipé vont lui répondre ah mais attendez, commissaire, nous, on n’a rien gardé pour nous de tout ce gros pognon de l’avenue Bettencourt, on a tout redistribué à des nécessiteux, comme devrait faire l’ami de votre ami procureur, mais comme il ne fait pas du tout, que va faire, d’après toi, Xavier Bertrand, de l’UMP ?
Est-ce qu’il va se porter au prompt secours de nos deux malheureux, pour exiger qu’on les relâche sans tarder ?
Non, je demande, parce que, je ne sais pas si t’a noté : depuis que nous avons dans l’affaire Bettencourt [^4] la confirmation que la droite régimaire aime si fort l’argent qu’elle mixe en plein air ses fonctions publiques et ses appétences privées, ces gens de l’UMP, ces gros penseurs type Bertrand, donc (mais tout aussi bien Lefebvre), ne cessent pas de crier : « Y A PAS EU D’ENRICHISSEMENT PERSONNEL, Y A PAS EU D’ENRICHISSEMENT PERSONNEL, MAIS PUISQU’ON VOUS DIT QU’ Y A PAS EU D’ENRICHISSEMENT PERSONNEL, BORDEL [^5]. »
Et je suis bien sûr tout disposé à les croire – ce n’est pas comme si j’étais persuadé que ces gens sont d’effrontés menteurs –, mais, n’est-ce pas, si le fait de ne pas s’enrichir personnellement autorise désormais tout, je voudrais juste que ça fasse jurisprudence, et qu’on libère Robin des Bois : d’avance, merci.
[^2]: Je parle ici, tu l’auras compris, de l’arme que popularisa l’excellent inspecteur Harry, et non de ces glaces pleines d’amandes pilées qu’on met six jours à terminer.
[^3]: Heu, non, finalement : pas l’AFAFAGAW, on n’a qu’à tout donner à Emmaüs, Jipé, si ça te fait rien.
[^4]: Dis donc, c’est marrant : c’est le même nom que l’avenue de tout à l’heure.
[^5]: Rime si riche qu’elle devait avoir son épargne au Crédit franco-helvète.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.