Foot et médias, même combat !

Ingrid Merckx  • 8 juillet 2010 abonné·es

Le studio a été recouvert de pelouse. « Dieu a changé de camp : il était allemand ce samedi 3 juillet 2010 au Cap » , annonce Pierre-Louis Basse au micro d’Europe 1. « L’Argentine balayée comme une équipe de seconde zone, 4-0, en quart de finale de Coupe du monde, du jamais-vu. Et Diego Maradona brusquement devenu clown triste dans son costard gris anthracite avec ses bagouses porte-bonheur qui ne lui ont pas servi à grand-chose dans ce naufrage… C’est le football ! Et le Club est ouvert jusqu’à minuit, avec ses invités qui vous régalent depuis près d’un mois… » Sur le terrain, des envoyés spéciaux ; dans le studio ou en ligne, des commentateurs et des intervenants aussi divers que des sportifs, des politiques, des écrivains, des journalistes, des philosophes, des historiens…
Entre 40 et 50 personnes réunies chaque soir depuis le début du Mondial pour accompagner le match d’une « conversation de footeux, avec de la musique et des discussions sur les livres… Le contraire d’une émission sectaire » , résume le journaliste Frédéric Bonnaud. Sur le blog de l’émission, on trouve aussi bien des réactions ciblées ballon que culture : « Pouvez-vous dire à M. Debré que Du vent dans les branches de sassafras est d’Obaldia, pas de Brecht !!! » (nog78, 1er juillet).

Exactement le but visé par Pierre-Louis Basse, journaliste sportif pilier d’Europe 1, écrivain et romancier ( Comme un garçon, chez Stock), qui a lancé le concept « Bienvenue au club » pendant le Mondial 2006 pour « tirer des passerelles » entre sport et littérature. «  Un “Droit de réponse” sans Polac » , résume-t-il. Le « Club » était hebdo jusqu’en 2009, date à laquelle Basse a jeté l’éponge, écœuré par le tour que prenait le métier –de journaliste et de sportif. Pour le Mondial?2010, il a accepté de reprendre la casquette. Tous les soirs, à 20 h, il convie des « gens légitimes » et « la société intellectuelle » à venir « décrypter ». Non pas « refaire le match » mais prendre le temps, à l’heure où « la pensée recule » , de réfléchir à des questions telles que : pourquoi notre société a-t-elle évacué la défaite ? Pourquoi une telle financiarisation du sport ?
La responsabilité qu’on attribue au foot n’est-elle pas complètement délirante ? « La Coupe du monde est un moment exceptionnel, ça touche à l’enfance… », confie cette « voix du 9-3 » née en 1958 de parents profs de sport, communistes éclairés. « On est toujours plus ou moins fidèle à ce qui nous a construit… Pas l’Internationale communiste, pour ma part, mais un attachement à la liberté, la mémoire, et une certaine distance par rapport aux choses. » Inattendu sur Europe ? « Ça fait plusieurs années que j’y réfléchis. Soit je pars et je me marginalise. Soit je reste et je fais une émission qui me ressemble. Je ne suis pas fou, plutôt situationniste. J’aime la contradiction. Je me sens un peu en situation d’espionnage… » La direction laisse faire : « 2,2 millions d’auditeurs : Lagardère n’est pas philanthrope. »

Lui, ce qui le met en boule, c’est la perte de contenu: « Foot et médias, même combat : le système dominant nous impose de la merde. Le génie du capitalisme, c’est d’avoir tenté de nous faire croire qu’on nous offrait de la connaissance quand on ne nous sert que de l’info. Est-on prêt à se battre contre ça ? » . Henry invité par Sarkozy le jour de la manifestation nationale contre le projet de réforme des retraites, c’est du pain bénit pour le « Club ». « On a pu écouter Lionel Jospin débiner des heures sur le “Casse-toi-pauvre-con” »… Mais Pierre-Louis Basse ne se cache pas d’une certaine amertume?: les Bleus ont sombré dans tout ce qu’il abhorre. Du pain et des jeux, quand lui, séduit par des livres comme Éloge du mauvais geste (Ollivier Pourriol), Une main de trop (Paul Yonnet) ou Dans les tribunes (Jean-François Pradeau), se targue de n’avoir qu’une contrainte éditoriale : « No people ! » C’est plus qu’un mot d’ordre, un engagement personnel. Pour sauver le ballon rond, pas 36 solutions : couper les commentaires (mettre de la musique à la place, « Pourquoi pas Malher ? » ), et se contenter de 15 matchs par an. Un peu élitiste, un peu radical. Il assume. Comme il assume de ne plus regarder la télé et de ne plus écouter les flashs d’infos. Il préfère lire, écrire, « flâner », « observer le réel » , et tenter d’en faire passer quelque chose dans le micro.

Société
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