Idées fausses, vraies questions
Le mouvement Utopia se lance dans l’édition. Ses deux premiers ouvrages balayent les idées reçues sur les
sans-papiers et sur le revenu d’existence, et apportent des propositions concrètes.
dans l’hebdo N° 1109 Acheter ce numéro
Au hasard des conversations de bistrot, les idées préconçues sur les sans-papiers ne sont pas rares. « On accueille toute la misère du monde » , peut-on entendre. « On aide depuis toujours les pays pauvres » , ou encore : « S’ils deviennent tous français, ils vont diluer l’identité nationale »… La liste est longue. Mais, bien souvent, les préjugés sur les sans-papiers, nourris par la peur de l’étranger, ne tiennent pas la route. C’est l’objet d’un des premiers ouvrages des éditions Utopia, prolongement direct du mouvement politique du même nom. Un laboratoire d’idées qui porte ses opinions au Parti socialiste, chez les Verts, au Parti de gauche, et qui entend diffuser ses idéaux dans l’espace public, en France et à l’étranger. Il réunit citoyens, intellectuels, associatifs et politiques pour concevoir un projet de société « fort, humaniste et fraternel, dépassant le système capitaliste ». Avec l’ambition d’outrepasser les clivages entre partis, il défend une société permettant à chacun de se réaliser individuellement et collectivement.
La toute nouvelle maison d’édition propose des ouvrages où les desseins d’Utopia sont concrétisés par des propositions et des analyses économiques et politiques, proches de l’altermondialisme et de l’écologie politique. La démarche, qui se veut populaire avec des tarifs volontairement accessibles, est déclinée à travers trois collections : « Ruptures », « Penser la politique avec » et « Controverses ». C’est dans cette dernière que paraît S ans papiers ? Pour lutter contre les idées reçues, coécrit par les acteurs du Mouvement.
Tout d’abord, un rappel : « La mobilité constitue une composante élémentaire de la liberté » , extrait du rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) publié en 2009, dont les auteurs prennent le soin d’exprimer une vérité souvent oubliée, cause des idées préconçues sur les étrangers. Et d’ajouter : « Elle peut être source de bénéfices importants pour les migrants […], leur communauté […], mais aussi leurs lieux d’accueil » , précision indispensable pour une société qui place l’intérêt économique loin devant les libertés individuelles. L’essai tente ainsi de prouver la stérilité de la politique d’immigration instaurée ces dernières années, plus particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Car, « en plus d’être à la fois violente et inhumaine, cette politique est inefficace socialement et économiquement, même par rapport aux propres objectifs qu’elle s’est fixés ».
Dans son rapport de 2006, la Banque mondiale a souligné que, à l’échelle mondiale, l’augmentation de 3 % de la main-d’œuvre totale des pays industrialisés due à l’immigration a dégagé un revenu supplémentaire de 160 milliards de dollars. Alors que le gouvernement français se garde bien de publier des statistiques, on sait qu’en Espagne l’immigration des années 2000 a généré une somme équivalant à 0,5 % du PIB national. Preuve en est que l’immigration est utile, voire indispensable. Au-delà des mesures inacceptables, Utopia dénonce « la politique indigne menée par la majorité au pouvoir » . Dans sa préface, Danielle Mitterrand rappelle que « les sans-papiers sont aujourd’hui exploités par le système économique qui les maintient dans la plus grande précarité et dans la peur enrichissant les tenants du système » et encourage les citoyens que nous sommes à « revenir à la raison, à la solidarité qui doit permettre à chacun de vivre dignement selon ses aspirations, sa culture et sa différence ».
Or, la solidarité est un thème récurrent au sein du mouvement Utopia, et le fil conducteur de l’ouvrage écrit par Baptiste Mylondo, Un revenu pour tous. Proclamer un droit au revenu, une allocation de base, l’idée est séduisante. Baptiste Mylondo, déjà auteur de la Décroissance économique et Des caddies et des hommes, présente les différentes approches, de gauche comme de droite, et les analyse une à une, mettant en avant les points forts et faibles. Mais, surtout, il répond aux objections souvent opposées au revenu inconditionnel, à savoir une proposition « immorale » , ou « plus personne ne voudra travailler » , jusqu’au classique : « pas de droit sans devoir ».