La rage du peuple
dans l’hebdo N° 1109 Acheter ce numéro
Il paraît qu’il ne faut pas du tout s’offusquer de « l’affaire Woerth » – du nom du ministre du Travail qui sera d’ici quelques jours l’ex-ministre du Travail –, et qu’il ne faut, par exemple, pas se formaliser de ses liens avec le gestionnaire de la fortune de la Bettencourt, dont il soutient sans pouffer (le gars est quand même assez fort) qu’il ne le connaît pas, et qui se trouve être, détail charmant, un descendant de Joseph de Maistre. Preuve, s’il en fallait, que la France d’après, comme prévu, est en réalité la France d’avant, rétablie – restaurée – en trois ans dans ses consanguinités, Versailles not dead , Versailles t’emmerde, populace.
Il paraît, disais-je, qu’il ne faut pas du tout s’émouvoir de ce que le même Woerth qui s’illustre dans l’accablement des gueux soit également le Woerth qui fait aux riches des gâteries – car cette émotion est, nous disent les gens du régime (et quelques supplétifs), « démagogiques » : elle « fait le jeu de l’extrême droite », affirment ces voisins de phobie du pesé personnage qui trouve, au gouvernement, que dès que l’Arabo-musulman est plus d’un « il y a des problèmes ».
Ainsi : un « conseiller de l’Élysée », bien sûr anonyme (car ces gens-là brillent aussi par leur franc courage), dénonce, dans le Monde , une « atmosphère délétère, digne du climat des années 1930, avec […] ses flambées de populisme ».
Et on aurait tort de considérer qu’il ne s’agit là que d’une énième resucée du chantage au nazisme où se vautre la réaction depuis le début du nouveau siècle, car il n’est pas douteux qu’il y a pour de bon dans ce pays, depuis quelques années – je suppose qu’une datation au carbone 14 montrerait que le truc a vraiment commencé dans la première quinzaine du mois de mai 2007 –, une odeur suffocante, qui rappelle en effet celle « des années 1930 » , quand la droite et ses intelleux d’accompagnement chassaient le « métèque » ; et il est parfaitement vrai que des penseurs demi-régimaires, crochetés à leurs fromages médiatiques, forcent désormais, pour exister, leur obsession de l’ « ethnie » , comme d’autres, naguère, excitaient celle des races ; et il est parfaitement exact que le fond de l’air charrie de répugnants relents de rafles, depuis l’avènement de l’ « irréprochable » République promise par l’homme dont même Bernard Kouchner – c’est dire si c’était voyant – avait noté en 2007 qu’il n’éprouvait aucune honte à pêcher son électorat dans les eaux de l’extrême droite.
Ce sont les mêmes flatteurs d’instincts dégueulasses qui ont remis au goût du jour les haines d’antan, qui hurlent à la « démagogie » quand la rue enfin prend la mesure de leur indignité : demandons-nous maintenant si leurs minables trucages suffiront longtemps à contenir la rage du peuple.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.