N’en jetez plus, la cour est pleine !
Des évasions fiscales « ignorées » par Éric Woerth aux chambres d’hôtel de Rama Yade en passant par la double rémunération de Christine Boutin, inventaire des abus à répétition.
dans l’hebdo N° 1110 Acheter ce numéro
Évasion fiscale
Liliane Bettencourt, héritière richissime, avait un maître d’hôtel espion. Les enregistrements clandestins effectués par celui-ci des conversations qu’elle avait avec son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, alimentent un sacré feuilleton politique. Car dans ces enregistrements, révélés par Mediapart, apparaissent aussi un ministre du Budget et sa femme, qui se trouvait travailler auprès du gestionnaire de fortune. Et ils font état de plus de 80 millions d’euros d’évasion fiscale vers des comptes en Suisse. Des faits dont on imagine mal qu’Éric Woerth, alors ministre du Budget, ait pu les ignorer. Sa femme, Florence Woerth, est employée depuis trois ans de Clymène, la société qui gère la fortune personnelle de la milliardaire, et travaille sous la direction de Patrice de Maistre. Mediapart ajoute qu’en 2008 30 millions d’euros auraient été remboursés par le fisc à la milliardaire grâce au bouclier fiscal. Une opération, affirme le journal en ligne, qui nécessite l’aval du ministre du Budget. Dans un communiqué, le ministère dément : « Un ministre du Budget n’intervient en aucun cas dans cette procédure. »
Également trésorier de l’UMP, depuis sa création en 2002, Woerth aurait bénéficié de fonds collectés en Suisse pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Son maintien au gouvernement secoue la gauche. Nicolas Sarkozy, lui, affirme devant les députés UMP reçus mercredi dernier à l’Élysée que Woerth, en tant que ministre du Budget, n’a « à aucun moment donné d’instruction de quelque nature que ce soit » , et ajoute : « Éric est l’honnêteté faite homme et je l’apprécie beaucoup. » Des paroles évasives, tout comme les déclarations fiscales de la femme la plus riche de France.
Argent public, dépenses privées
Christian Blanc a le goût des bonnes choses. Le désormais ex-secrétaire d’État chargé du développement de la région-capitale s’était fait payer par l’État environ 12 000 euros de cigares. Face à cette révélation du Canard enchaîné , l’ancien patron d’Air France et de la RATP, qui prétend n’en fumer que « deux par jour, des Partagas D4 » , évoque une « petite négligence » sur « quelques cigares consommés sans qu’ils aient été payés ». Sommé par François Fillon de rembourser ces dépenses « sur ces deniers » , il a fait savoir que 3 500 euros avaient déjà été versés, correspondant à sa « consommation réelle » . Christian Blanc, qui était déjà l’objet d’une polémique sur son ISF, a accusé son ancien chef de cabinet, Guillaume Jublot, d’être l’informateur du Canard. L’intéressé aurait cherché à se venger depuis la fin de son contrat, en mai dernier. Celui-ci a depuis porté plainte pour diffamation contre son ancien directeur.
Rachida Dati a déplu à l’Élysée, elle est sanctionnée. Ses propos sur le plateau de France 2 au soir du premier tour des régionales lui valent le soir même, « sur instruction du ministre de l’Intérieur » , précise son entourage, de se voir retirer ses avantages. C’est ainsi que l’on apprend que, depuis son départ du gouvernement, l’ancienne garde des Sceaux disposait d’une Peugeot 607 ministérielle avec chauffeur et de quatre gardes du corps. Un régime de faveur que d’autres anciens ministres de la Justice disent n’avoir jamais connu, alors même que Rachida Dati dispose déjà d’une Renault Laguna avec chauffeur, comme maire du VIIe arrondissement. Le mensuel Bakchich mentionnera même l’existence d’une troisième voiture, prélevée sur le parc de l’administration pénitentiaire, destinée à ses « escapades privées ».
Salaire et retraite
Jeannette Bougrab, présidente de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), est accusée par le Canard Enchaîné d’avoir fait voter, début mai, une délibération visant à doubler son salaire. Celle-ci aurait porté son salaire de 6 900 à 14 000 euros, en plus de son indemnité de résidence de 3 %. Nommée à ce poste en avril par Nicolas Sarkozy, cette militante UMP dément « vigoureusement » ces accusations et assure que son salaire s’élève à 6 135,32 euros, tout comme celui que touchait Louis Schweitzer, son prédécesseur. Au micro de France Info, cette ancienne militante de SOS Racisme déclare toutefois : « Si je voulais gagner de l’argent, vous pensez que je serais présidente de la Halde ? » Être payé plus de 6 000 euros pour lutter pour l’égalité, c’est déjà pas mal, non ?
Christine Boutin, la présidente du Parti chrétien-démocrate, multiplie les fonctions politiques et cumulait aussi salaires et retraite. Conseillère générale des Yvelines (2 000 euros), elle perçoit 6 000 euros de retraite parlementaire, auxquels s’ajoutaient 9 500 euros mensuels pour une « mission » parlementaire sur « l’impact de la mondialisation sur les politiques sociales » . Total : 17 000 euros tout de même. « Je comprends que cela puisse choquer. Mais je n’y peux rien. La loi est comme ça », déclarait-elle dans le Parisien avant qu’Éric Woerth, à qui sa mission est rattachée, lui demande de « renoncer au cumul entre sa pension de retraite et la rémunération qu’elle a avec sa mission ». Le ministre du Travail précisant toutefois que ce n’est pas « une mission bidon » mais « une vraie mission sur un vrai sujet qui se pose » . Y aurait-il des missions « fausses » et « bidons » confiées par l’Élysée ?
Logement
Alain Joyandet, peu célèbre secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie, fraîchement démissionné, a accédé à la notoriété pour une histoire de permis de construire obtenu illégalement. Selon le Canard Enchaîné, il aurait falsifié la déclaration de son mas de Provence à Grimaud, dans le Var. D’une taille réelle de 105 m2, celui-ci aurait été surévalué à 185 m2. Lui permettant ainsi de contourner les règles en vigueur dans la commune varoise, qui le limitaient à une expansion totale de 157 m2 habitables. Alain Joyandet lui, en voulait 231 m2. Pour obtenir ses « faux papiers », le secrétaire d’État se serait fait aider par son architecte, Michel Bourcy, et le maire de Grimaud, Alain Benedetto, tous deux UMP. La supercherie révélée, les époux Joyandet font publier un communiqué dans lequel ils précisent : « Ce permis de construire nous a été octroyé le 22 avril 2009 […]. Il n’a fait l’objet d’aucune contestation. Il est devenu juridiquement définitif. » Eux qui précisent n’avoir rien à se reprocher ne manquent cependant pas d’ajouter : « Néanmoins, dès lors qu’il y a débat juridique sur la validité du permis, nous préférons y renoncer. » Audacieux mais pas très téméraires. Il faut dire que M. Joyandet s’était déjà fait remarquer en mars, après la location d’un jet privé pour 116 500 euros, facturé aux frais du ministère des Affaires étrangères.
Emploi
Pierre Bachelot, 41 ans, fils de Roselyne, a un parcours professionnel pas très éloigné des cabinets ministériels occupés par sa mère. Écologie ou Santé. Tantôt attaché parlementaire, tantôt conseiller. Diplômé de l’Institut des arts de Paris, il a intégré le 1er juin l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), placé sous la tutelle du ministère de la Santé, que dirige maman. À l’heure où le gouvernement réaffirme la nécessité de supprimer des postes dans la Fonction publique, Pierre Bachelot occupe à temps plein un poste qui ne devait être que temporaire. Ce qui n’est pas sans rappeler la turbo-promotion que Nicolas Sarkozy destinait à son fils Jean, pressenti pour prendre la présidence de l’Epad, premier quartier d’affaires européen, à 24 ans, sans diplôme ni aucune expérience…
Train de vie
Rama Yade trouvait l’hôtel de l’équipe de France en Afrique du Sud trop luxueux. À 589 euros la chambre, on ne lui donnera pas tort. Le problème est que, comme le Canard enchaîné l’a révélé, la secrétaire d’État aux Sports avait prévu, elle, de descendre au Table Ray, un modeste cinq étoiles, les pieds dans l’eau, qui « offre » des chambres à 667 euros. Devant le scandale, Rama Yade, qui avait déjà séjourné dans ce palace en janvier (à 250 euros la nuit, alors), s’est repliée sur l’hôtellerie du consulat de France. Mais son séjour était déjà payé.