« Faire des retraites un débat de société »
Lors de l’université d’Attac, Thomas Coutrot* a lancé l’idée d’une votation citoyenne sur la réforme.
dans l’hebdo N° 1115 Acheter ce numéro
Politis : Quelles sont les priorités d’Attac pour construire la « rupture radicale avec la finance » annoncée pendant l’université citoyenne ?
Thomas Coutrot : La réforme des retraites et de la nationalité va mobiliser l’association dans les mois à venir. On voit bien que la diversion raciste et xénophobe organisée par Sarkozy vise à éviter que la réforme des retraites soit rejetée par la société. Cela renforce la nécessité de faire de cette réforme un débat de société et pas simplement un objet de négociation entre partenaires sociaux. C’est l’intérêt de l’ensemble du mouvement social, des organisations syndicales et du mouvement citoyen de poser la question des retraites de cette façon. On propose ainsi l’organisation d’une votation citoyenne début octobre, avec l’ensemble des syndicats et partis qui seraient intéressés par cette initiative.
Que pensez-vous des orientations budgétaires retenues par le gouvernement et Nicolas Sarkozy pour 2011 ?
Une réunion spectaculaire a été organisée à Brégançon alors qu’il n’y a rien de nouveau. C’est une opération de communication vis-à-vis des marchés, mais aussi des mouvements sociaux pour leur dire : « On n’a pas le choix, il faut qu’on réduise les dépenses publiques, et on le fera. » C’est injustifiable sur le plan économique parce que cette politique généralisée dans l’Union européenne ne permettra pas de réduire les déficits. Surtout, c’est une politique inféodée aux intérêts financiers, ce qui n’est pas acceptable.
L a conjoncture économique redonne une certaine visibilité à l’association. Quelle est la situation d’Attac aujourd’hui ?
C’est la meilleure depuis six ans. On a enregistré une augmentation du nombre d’adhérents en 2010. Pour la première fois depuis 2003, l’érosion est interrompue et on enregistre de nouvelles inscriptions. Cela s’explique par le fait que nous sommes une association pacifiée, avec un respect mutuel entre les adhérents et entre les dirigeants. Surtout, avec la crise financière et celle du capitalisme, qui valident nos analyses, Attac retrouve un second souffle. Nos propositions comme la taxation des transactions financières ou la fin des paradis fiscaux sont au cœur du débat politique mondial. Même si elles n’avancent pas beaucoup, elles sont posées comme des questions primordiales. Attac a aussi opéré une inflexion importante : on est parti d’une association critique, de lutte contre le néolibéralisme, à une association qui pose la question du dépassement du néolibéralisme.
Notre assemblée générale de décembre 2009 a clairement affirmé que la crise actuelle est non seulement celle du néolibéralisme mais aussi du capitalisme, et qu’on ne voit pas de solution à cette crise à l’intérieur de la logique du fonctionnement du capitalisme. Celui-ci repose sur une accumulation illimitée de richesses et la poursuite sans fin du profit. La crise écologique ne permet plus d’envisager une telle trajectoire. Notre ambition est de repenser une émancipation qui corresponde à cette inflexion et de commencer à poser les alternatives en termes de projets de société.