Courrier des lecteurs n° 1116
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En vacances à Corte, j’ai lu dans
un article du Nice matin Corse
du 20 août, consacré à la mort
de « Monsieur Santoni », que cette « figure légendaire du milieu avait été pressentie par le président Sarkozy pour recevoir la légion d’honneur ». Une information, par les temps qui courent, qui mérite une ample diffusion.
Cécilia Suzzoni
À quand la guerre contre la criminalité financière ?
« C’est donc une guerre que nous avons décidé d’engager contre les trafiquants et les délinquants »,
a martelé le président de la République à Grenoble dans un discours éculé et racoleur digne d’un ministre de l’Intérieur avec, néanmoins, cette touche personnelle consistant à stigmatiser une frange de la population française (ici Roms et immigrés, à défaut d’Auvergnats). Mais quid de la criminalité en col blanc, celle des salons dorés, plus insidieuse car invisible et silencieuse, dont le coût est pourtant incomparablement supérieur à la délinquance classique (puisque les sommes se jouent en millions, voire en milliards), et les conséquences infiniment plus graves pour notre démocratie (népotisme, prévarication, corruption, collusion, délit d’initiés…) ? Or, ni la police ni les parquets n’ont aujourd’hui les moyens ou la volonté de lutter contre la délinquance économique et financière (voir le Canard enchaîné du 28 juillet). […]
Laurent Opsomer
Le philosophe Jacques Bouveresse, professeur au Collège de France, a fait savoir à Valérie Pécesse qu’il « déclinait » la proposition de la légion d’honneur.
Il donne ses raisons : cette distinction lui est proposée par un gouvernement dont la politique à l’égard de l’Éducation nationale et des services publics en général lui semble inacceptable.
Enfin un intellectuel reconnu qui dit « non », enfin une conscience qui dénonce l’inacceptable quand tant d’autres ont accepté postes et honneurs du gouvernement Sarkozy, dont la qualité républicaine est de plus en plus contestable – peut-on même parler de gouvernement quand ce sont les conseillers spéciaux du Président qui prennent les décisions ? Et peut-on parler de l’indépendance de la presse, de la télévision, de la radio, quand le Président se donne le pouvoir de nommer qui bon lui semble, seul ?
La justice aux ordres, la police soumise au tout-répressif, les préfets remplacés par des policiers, une politique sécuritaire qui tend à verser dans le racisme d’État… Quand un gouvernement énonce des lois discriminatoires envers une partie de la population, il s’agit en effet de racisme d’État, qui ne peut que conforter et légitimer les propos et attitudes racistes.
Avec un monde de la finance lié au pouvoir, « l’optimisation fiscale » va quasiment de soi, et échapper à l’impôt est un sport pratiqué dans la « haute ». […]
Les « élites » et experts en tous genres ne disent rien de cette dérive antidémocratique, ils ne voient pas d’inconvénient à ce que l’argent soit la seule valeur, ils trouvent normal de dépouiller ceux qui ont déjà peu. Piquer aux pauvres, c’est payant, ils sont tellement nombreux !
En refusant la Légion d’honneur, qu’il mériterait plus que tout autre pour la rigueur et le sérieux de ses travaux, Jacques Bouveresse sauve l’honneur. Son refus est tombé au moment où Nicolas Sarkozy franchissait un pas de plus dans le mépris des institutions républicaines avec les déclarations sécuritaires de Grenoble, qui arrangent l’extrême droite et ne règlent aucun problème. Ce refus est une alerte en même temps qu’un encouragement à ne pas céder à ce monde du fric, de la frime et du mensonge, à rejeter les amalgames.
Peut-être qu’enfin les médias vont s’intéresser à ce philosophe discret, qui pourrait éclairer utilement notre société et ses évolutions.
Gisèle Moulié
Politis nous rappelle dans son édition du 22 juillet que Brice Hortefeux, sinistre de l’Intérieur, avait attaqué il y a quelques mois quatre militants pour diffamation. Que leur reprochait-il ? Un communiqué de presse qui dénonçait l’utilisation du fichier Base élèves pour repérer les parents sans papiers, en comparant – les fous ! – la méthode à celles de la police de Vichy.
Le fichier en question a été, depuis, en partie retoqué par le Conseil d’État.
Le sinistre en question a été, depuis, condamné pour injure raciale le 4 juin dernier.
Va-t-il cette fois poursuivre Michel Rocard, qui, dans Marianne [^2], a critiqué les dernières mesures d’insécurité annoncées par la clique de Sarkozy ? Ou bien est-ce plus facile pour le courageux sinistre de s’attaquer à de simples militants et de ne même pas répondre à Michel Rocard ?
Alain Lezongar
Dans son article sur la « cuisson améliorée » paru dans le n° 1112-1114 de Politis , Noëlle Guillon donne un point de vue très limité sur les fours solaires en citant Christian Sales. Le four solaire fonctionne très bien partout ou il y a du soleil ; il suffit de contacter Bolivia Inti Sud Soleil (02 40 12 05 30) à la Chapelle-sur-Erdre pour plus de témoignages…
D’autre part, en France, il est très utile quand il y a du soleil, mais il peut aussi fonctionner en marmite norvégienne, permettant alors d’économiser 65 % de l’Énergie de cuisson. Une bonne façon de faire la nique à EDF ou GDF !
Charly Dumont
Dans le numéro « spécial été » de Politis , la très intéressante chronique de Dominique Plihon tente de nous dévoiler « La vraie nature de l’État néolibéral ». Question centrale mais compliquée.
J’avoue ne pas comprendre certains points.
Il est question d’un État néolibéral qui serait un État fort. Et, comme illustration, Dominique Plihon nous dit que l’État se renforce en affaiblissant tous les contre-pouvoirs. Là, d’accord.
Mais ensuite il nous dit : « De même, l’indépendance des banques centrales a été instituée […] pour éliminer tout contrôle démocratique sur la politique monétaire. » D’accord pour constater que cela favorise grandement « les marchés et la finance ». Par contre, je ne vois pas en quoi cela constituerait un renforcement de l’État. Si l’État abandonne son pouvoir de décision sur les questions monétaires (comme c’est le cas actuellement), je trouve que c’est un affaiblissement puisque cela diminue sa puissance d’agir.
La question de savoir si l’État est plus ou moins au service du peuple, s’il est plus ou moins social ou démocratique est une question différente de savoir s’il est plus ou moins fort, même si ces points sont liés. Par exemple, un État pourrait avoir divers choix politiques possibles en matière monétaire, et ces choix influeraient sur la justice sociale en favorisant plutôt les salariés, plutôt les entrepreneurs ou plutôt les rentiers. Mais si l’État s’est amputé du droit de décision en matière monétaire, la question du choix ne se pose même plus.
Pour des citoyens non experts comme moi, je crois qu’il vaudrait mieux distinguer, d’un côté, la structure de l’État, qui est une machine de pouvoir pour contrôler et diriger un territoire et une population, et, d’un autre côté, les dirigeants de cet État. Un peu de la même façon qu’on nous a dit que certains rois avaient consolidé le pouvoir royal alors que d’autres l’avaient affaibli. La valse des dirigeants ou des rois étant beaucoup plus rapide que les évolutions de structures.
Ainsi, il ne faut pas confondre un État « fort », c’est-à-dire qui a une vaste puissance de décision et de contrôle sur toutes sortes de domaines de sa société, et un État violent, répressif, voire fascisant. Il me semble que le régime de Vichy était un État très violent mais extrêmement faible, car il n’avait quasiment aucun pouvoir de décision majeur, étant sous tutelle allemande.
Si on veut rendre clair ce qu’est la force d’un État, l’expression « État néolibéral » ne me paraît pas très bonne, il vaudrait mieux une expression comme « État gangrené par l’idéologie néolibérale » pour exprimer que cette doctrine veut réduire l’État à sa plus simple expression : contrôle policier des pauvres pour éviter les émeutes et maintien d’un cadre juridique minimum réduit aux règles commerciales. Et rien d’autre.
Il est fort probable que je n’ai pas tout compris, mais raison de plus pour que Dominique Plihon (ou d’autres) expose les choses plus en détail.
Si on veut combattre efficacement le néolibéralisme, il est important d’y voir clair et de bien savoir de quoi on parle.
René Moré (84)
[^2]: « La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy, on n’avait pas vu ça depuis les nazis. Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile », dans l’édition du 6 août.