Courrier des lecteurs n° 1119
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Le krach dont nous payons la facture n’est pas une « crise ». Les crises (comme celle de l’adolescence) s’inscrivent dans la dynamique de la vie, de ses processus de croissance, tandis que là nous avons à faire à l’effondrement de montages frauduleux que le système a laissé se mettre en place sans états d’âme.
Danièle Dravet
Précisions
Lecteur fidèle et attentif de Politis, je voudrais en quelques mots
apporter des rectifications et des précisions à la brève intitulée « Éducation, un lycée riposte », publiée dans le numéro du 9 septembre.
Contrairement à ce que laisse entendre la première phrase de cet article – « Le lycée Maurice-Genevoix à Montrouge (92) riposte aux réformes de l’Éducation nationale » –, ce n’est pas le lycée qui a riposté.
C’est un groupe diversifié de représentants départementaux et locaux de forces politiques (PC, PS, Verts, PG…), syndicales (FSU, CGT…) et associatives (FCPE, RESF…) qui s’est rassemblé devant le lycée, à l’initiative
de la députée de la circonscription de Montrouge Marie-Hélène Amiable et de la sénatrice des Hauts-de-Seine Brigitte Gonthier-Maurin, et ce pour protester contre les conséquences néfastes des réformes de l’Éducation nationale et des suppressions de postes dans le département.
Les personnels du lycée, syndiqués au Snes et à la CGT, ont participé à ce rassemblement unitaire. Leur établissement a été choisi comme lieu de cette action pour des raisons symboliques. Depuis plusieurs années, les initiatives de résistance des personnels de l’établissement (grèves, occupations, refus d’obéir, réunions de ville sur l’éducation…) pour défendre et développer le service public se sont multipliées, avec un certain succès et très souvent avec le soutien et la participation des parents d’élèves et des élus du département.
Le rassemblement devant le lycée a été marqué par une conférence de presse et, surtout, conclu par la création d’un réseau d’alerte sur l’éducation dans le département des Hauts-de-Seine.
Faire connaître cette initiative me paraît important.
Jean-Michel Hérisson (responsable du Snes au lycée Maurice-Genevoix)
Un campement sommaire de réfugiés afghans à Cherbourg a été la cible d’actes odieux dimanche 12 septembre.
Ces hommes sont extrêmement démunis. On leur a détruit les quelques souvenirs qu’ils avaient pu emporter ainsi que des documents essentiels, comme des papiers leur permettant une éventuelle régularisation.
Comment expliquer que leur mosquée improvisée sous une tente ait été particulièrement visée, les corans ayant été détruits ?
Peut-on y voir un rapprochement avec les intentions nauséabondes d’un pasteur américain ? Le climat national ambiant de stigmatisation de certaines populations peut-il constituer le vivier d’où se déchaîne la barbarie ? Comment a commencé la montée du nazisme en 1936 ?
Poser les questions ne fournit pas les réponses. Dans un État de droit, républicain, il faut faire confiance à la police et à la justice.
L’Union des familles laïques de Cherbourg, dans le respect strict de la laïcité, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, condamne tout acte malveillant. Elle déplore le manque d’engagement de l’État pour donner un hébergement à ces hommes, offensant par là même leur dignité.
Comme ce fut le cas lors de la manifestation du lundi 13 au soir, elle en appelle au soutien financier de la population en apportant une obole à l’association Itinérance, qui a pris en charge ces déshérités.
« La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité » , disait Albert Camus.
Yvan Dupont,
président de l’Ufal Cherbourg
Lutte contre la réforme des retraites, constitution difficile d’une force politique alternative à gauche… À tout cela je m’intéresse et participe. Mais beaucoup de l’essentiel se joue peut-être ailleurs. Je veux parler du remodelage insidieux et méthodique de la société sur un mode néolibéral, à travers de multiples aspects de la vie quotidienne, et conduisant à sa déshumanisation. À cela, nous sommes souvent moins attentifs, puisque nous sommes dans un bain permanent où s’entremêlent fatalité, refus, mais aussi adhésion. Quelques exemples : la frénésie consumériste autour de chaque innovation technologique, exerçant sa fascination jusqu’au cœur des collectifs militants, sans beaucoup de réflexions critiques ; l’engouement pour les parcs de loisirs ; la prolifération des « animations » estivales en tout genre et le ratissage patrimonial auquel se livre la moindre localité pour attirer, distraire, faire consommer le plaisancier. La France est devenue un immense musée. On peut ajouter l’invasion de pratiquement tous les bistrots, commerces et administrations par des écrans où défilent en boucle clips insipides et retransmissions sportives ; l’enlaidissement des périphéries urbaines par un capharnaüm d’entrepôts et de publicités, auquel il faut ajouter la multiplication des supermarchés […] ; le développement des dispositifs de surveillance et de contrôle et leur acceptation… « parce que c’est pratique ». Je pourrais enrichir la liste pour illustrer une évolution à bas bruit vers le « meilleur des mondes » néolibéral. Paul Ariès a raison lorsqu’il indique qu’il y a peut-être un seuil d’irréversibilité en matière de comportement humain ( la Décroissance n° 71). Miguel Benasayag parle, lui, de mutation anthropologique, à propos du téléphone portable. N’est pas cela qui est visé, la création d’un homo liberalus ?
Force est de constater que, si de multiples résistances et offensives existent dans ces différents domaines, elles restent cependant éparpillées et n’atteignent pas une échelle de masse. Je pense qu’il nous faut pousser les feux de la critique sur ces questions, et mon attente est que Politis y accorde encore plus d’importance qu’il ne le fait déjà.
Bientôt s’ouvrira porte d’Aubervilliers le plus grand centre commercial d’Europe, projet voulu et défendu par Plaine Commune, que préside Patrick Braouezec. C’est pour cette raison que j’ai refusé de signer la pétition soutenant sa candidature pour le Front de gauche aux dernières élections régionales.
Si l’alternative à gauche n’arrive pas à se décliner sur d’autres modèles que celui-là, c’est à désespérer. Et qu’on ne vienne pas me dire que je défends un point de vue de bobo !
Claude Carrey
Votre dossier sur la culture ouvrière est intéressant,
mais à mon avis trop axé sur l’aspect « loisirs » (guinguettes, vélo, etc.). Alors que l’aspect principal en est la culture populaire de la lutte de classes : l’instruction, via les syndicats (surtout) et les partis. Cela a bien sûr une base idéologique, politique, mais surtout sociale. Celle qui est niée, si souvent, par la culture de l’idéologie bourgeoise, avec ses romans
de gare et ses films d’aventure, entre autres.
Pourtant, il existe de très bons romans et films d’origine bourgeoise : je pense par exemple à Bernanos et à Godard. Et, parallèlement, il existe de bien médiocres œuvres d’une littérature dite « prolétarienne » (par exemple, Poulaille)… Et puis le pire, des snobs très engagés politiquement et très bourgeois dans le fond, genre Aragon…
Bref, heureusement, on n’en a pas fini avec la culture ouvrière, la vraie !
Rémi Begouen