En quête d’un projet partagé

À la fête de l’Humanité, les dirigeants du PCF, du PG et de la GU doivent lancer
les discussions sur le programme qu’ils comptent défendre en 2012. Un chantier ambitieux.

Michel Soudais  • 9 septembre 2010 abonné·es
En quête d’un projet partagé
© PHOTO : MICHEL SOUDAIS

Unis dans les urnes lors des élections européennes et régionales (quoique dans une moindre mesure), les trois formations du Front de gauche s’affichent ensemble dans les manifestations. Samedi, au départ de la manifestation contre la politique xénophobe de Nicolas Sarkozy, Marie-George Buffet et Jean-Luc Mélenchon, entourant Danielle Mitterrand, faisaient bloc dans le carré de tête, au premier rang des dirigeants des organisations associatives, politiques et syndicales qui avaient appelé à cette mobilisation. Quelques minutes plus tard, les mêmes défilaient côte à côte avec Christian Picquet, porte-parole de la Gauche unitaire (GU), Pierre Laurent, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et Martine Billard, députée de Paris et porte-parole du Parti de gauche (PG), en tête d’un cortège Front de gauche mêlant des militants des trois formations, pour la première fois. Le 1er mai, malgré la décision formelle de marcher ensemble, communistes et militants du PG avaient défilé séparément. Après quelques mois de frictions au ­lendemain des régionales, le cortège commun de samedi marque le retour du Front de gauche sur la scène politique. Mardi, c’est ensemble que les députés du PCF et du PG ont remis à l’Assemblée nationale les 100 000 pétitions de soutien à leur proposition de loi alternative « pour une réforme des retraites juste et efficace ». Et c’est aussi ensemble que les militants et les dirigeants des trois partis du Front de gauche avaient prévu de tenir deux points fixes communs sur le parcours de la manifestation syndicale contre la réforme des retraites. Autant d’initiatives qui augurent une relance du Front de gauche, dont la forme sera précisée lors de la fête de l’Humanité, ce week-end.

Samedi, à 17 h, à l’Agora de l’Humanité , les numéros un de chaque formation, Pierre Laurent, Jean-Luc Mélenchon et Christian Picquet, ont prévu d’annoncer l’ouverture d’un chantier qui les mobilisera toute l’année et qu’ils souhaitent ouvert à tous ceux que la démarche intéresse : ­l’élaboration d’un « projet partagé pour un programme ambitieux ». L’objectif est de parvenir à définir d’ici à l’été prochain les éléments concrets d’une politique alternative anticapitaliste du Front de gauche. Il n’est donc pas question, ce week-end, de rendre public un projet clés en main mais d’ « annoncer une méthode » , précise Éric Coquerel, secrétaire national aux relations extérieures et unitaires du PG. Ni d’élaborer celui-ci en vase-clos. Dans une année dominée par les préparatifs de l’élection présidentielle, le PCF a prévenu qu’il voulait « faire dominer le débat de projet ». « Construire une issue politique à la crise actuelle, c’est construire des solutions partagées et portées par une majorité de notre peuple » , a déclaré en clôture de son université d’été Pierre Laurent, en appelant les communistes à engager l’élaboration de cette alternative avec toutes les femmes et les hommes disponibles sur tous les fronts de lutte. Le Front de gauche devrait ainsi appeler samedi à la ­création de comités d’initiatives locales du programme, annoncer la création de cinq ou six commissions thématiques chargées d’organiser des débats nationaux (Europe, VIe République…), et celle d’un comité de pilotage national du projet afin de donner à la démarche un cadre stratégique. Car le but de ce travail collectif n’en reste pas moins de définir un projet à défendre devant les électeurs aux élections présidentielle et législatives de 2012.

Pour le PCF, qui refuse de poser maintenant la question du candidat qui représentera le Front de gauche à la présidentielle, l’élaboration d’un projet collectif en association avec des acteurs du mouvement social prime sur le choix de celui ou celle qui devra le défendre devant les électeurs. S’agit-il de rendre naturelle l’idée d’une candidature commune en 2012, idée à laquelle la base communiste a du mal à se résoudre ? C’est possible. Pour Jean-Luc Mélenchon, ce serait dans la logique des choses. « Si nous ne sommes pas capables d’avoir un programme partagé et même des candidatures communes, nous aurons le plus grand mal à être entendus parce que les Français nous demandent d’être sérieux, responsables, capables de gouverner le pays avec des solutions concrètes » , a expliqué le président du PG, fin août, à Grenoble, en invitant ses troupes à « être la radicalité concrète » . Quoi qu’il en soit, le PG ne participera pas à ce débat sans biscuit. Samedi matin, son délégué général, François Delapierre, a prévu de dévoiler sur son stand plus d’un millier de propositions réparties en 177 fiches. Fruits d’un travail militant de plusieurs mois, ces propositions sont destinées à nourrir le programme partagé du Front de gauche.

Afin de marquer la volonté du Front de gauche de ne plus être qu’un cartel électoral, ses dirigeants ont prévu d’inviter samedi cinq ou six personnalités connues, issues surtout du mouvement associatif, à dire tout l’intérêt qu’ils portent à la démarche, annoncer leur engagement à la faire réussir et inviter tous ceux qui le souhaitent à faire de même. La « question la plus immédiate » que le Front de gauche doit résoudre est celle de son élargissement, explique Christian ­Picquet : « Nous devons être ­capables de nous ouvrir à des acteurs qui nous regardent avec intérêt mais ne sont pas prêts à rejoindre une de nos composantes politiques parce que leur engagement est avant tout syndical ou associatif. Or nous avons besoin de leur expertise. »

Pour autant, il n’est pas prévu d’y associer à ce stade des formations politiques. Dans un courrier rendu public en début de semaine, la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) s’en est émue. L’exécutif de la Fase s’y plaint de n’être pas informé du déroulement de ce débat alors qu’elle avait « émis le souhait [d’y] participer, dans la perspective de poursuivre les discussions sur la construction d’un large rassemblement » lors d’une rencontre en juillet entre les trois organisations du Front de gauche, les Alternatifs, le Mpep, le PCOF et elle-même. Se défendant de tout « ostracisme » , Christian Picquet précise que le « forum » de samedi n’est « pas un débat de toute la gauche de gauche mais un débat du Front de gauche ». Pour lui, c’est à la Fase de « dire si elle partage la démarche du Front de gauche et si elle est prête à y entrer ». « Les portes sont largement ouvertes à qui partage notre approche stratégique » , ajoute-t-il.

Sur ce sujet, pourtant, des nuances persistent. « La démarche du Front de gauche a ouvert un chemin d’espoir » que les communistes entendent poursuivre, a rappelé Pierre Laurent, fin août à Seignosse (Landes). Mais, pour eux, celle-ci ne cherche pas « à rassembler l’extrême gauche », a-t-il averti. « Depuis toujours au cœur de la gauche », les communistes veulent par cette démarche « remettre au centre de gravité de la gauche les défis dont elle n’aurait jamais dû se détourner pour réussir le changement » . A contrario, le PG ne renonce pas à rassembler toutes les formations de ce qu’il appelle « l’autre gauche ». Jean-Luc Mélenchon l’a rappelé à Grenoble, fin août. Et, samedi, le PG organise sur son stand, en début d’après-midi, un débat autour de l’expérience de la liste « Limousin, terre de gauche » avec les chefs de file PCF, PG et NPA de cette liste, histoire de montrer que « le rassemblement de l’autre gauche, ça marche » . Ce dont, pour l’heure, ni le PCF ni le NPA ne sont convaincus.

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