L’« énorme responsabilité » du PS

Pour leur université d’été à La Rochelle, les socialistes ont su taire leurs divisions. Martine Aubry a esquissé une « autre France », un projet pour 2012 qui s’inscrit nettement contre la politique menée par Nicolas Sarkozy.

Michel Soudais  • 2 septembre 2010 abonné·es
L’« énorme responsabilité » du PS
© PHOTO : LEOTY/AFP

Après le PS, la France. L’an dernier à La Rochelle, Martine Aubry s’était essentiellement adressée aux militants socialistes, sonnés par la défaite des européennes et encore traumatisés par le congrès de Reims, leur promettant de rénover leur parti « de A à Z » . Dimanche dernier, devant plusieurs milliers de militants, c’est aux Français que son discours était destiné. « Nous serons prêts pour 2012 et nous ne décevrons pas » , leur a promis la Première secrétaire du PS, précisant que l’ambition de son parti était d’ « incarner une alternance crédible face à Nicolas Sarkozy ». Comme si après avoir fait adopter le non-cumul des mandats et les primaires, conduit le PS à la victoire aux régionales et ainsi remonté les murs de Solferino, la patronne du PS avait décidé de s’atteler à un autre chantier : redresser « la République ­abîmée » par huit années de pouvoir de la droite et bâtir « une autre France ». L’expression vise bien évidemment à opérer une distinction nette entre le projet du PS et la France de Nicolas Sarkozy.

La maire de Lille s’en est longuement et violemment pris au président de la République, fustigeant ses « échecs » , les « turpitudes de ses amis » , sa politique « indigne » . Prédisant « un automne très sombre », elle juge « odieux » le fait d’opposer « les Français d’ici aux Français d’ailleurs » , trouve « révoltant » que le gouvernement « inflige aux Français des “sacrifices” » quand « l’affaire “Woerth-Bettencourt” démontre une fois de plus l’incroyable mansuétude dont jouit une minorité de privilégiés » . « Irresponsable » aussi, la réduction des crédits de l’emploi au moment où il faudrait combattre le chômage. « Injuste » encore, la réforme des retraites dont les socialistes estiment, a-t-elle rappelé, « qu’elle est deux fois inacceptable : parce qu’elle accroît les injustices, parce qu’elle ne règle pas les problèmes ». « Ce n’est pas une présidence, c’est une épreuve ! » , a-t-elle résumé sous les acclamations.

Mais « l’autre France » évoquée par Martine Aubry vise aussi à faire passer l’idée que la France de 2012 ne sera « pas celle que le PS a gouvernée », assure l’un de ses collaborateurs. S’agit-il de convaincre les électeurs que les socialistes ont changé et ne retomberont pas dans les travers passés ? Ou de leur faire prendre conscience que la situation économique et l’État des finances du pays n’autoriseront pas toutes les audaces ? Les deux préoccupations coexistent en chaque responsable socialiste. À des dosages variés. Désireux de ne pas se contenter de « répartir les miettes différemment de la droite » , Benoît Hamon et ses amis préfèrent mettre l’accent sur la première. François Hollande ou les partisans de Dominique Strauss-Khan privilégient, eux, ce qu’ils appellent un discours de « vérité sur les marges de manœuvres de l’État ». En essayant de se situer au point d’équilibre, Martine Aubry ménage les uns et les autres. « Nous sommes le parti de la gauche de transformation qui veut gouverner », résume-t-elle dans une formule pesée au trébuchet.

Ce souci de l’équilibre des tendances est toutefois aussi dicté par la prudence. Les socialistes sont arrivés à La Rochelle conscients qu’« entre l’épuisement d’une présidence et l’espérance d’une alternance [ils avaient] encore un travail politique à faire », selon l’expression de François Hollande. Ragaillardis, certes, par des sondages qui promettent à la gauche une victoire confortable en 2012, il ne leur a pas échappé que dans une même proportion les électeurs restent sceptiques sur ce que serait leur gestion [^2]. D’où un regain d’humilité chez les éléphants, dont ce n’est pas la qualité la plus partagée, conscients pour une fois de la « responsabilité énorme » – l’expression a maintes fois été employée – qui pèse sur eux. Une responsabilité évoquée aussi par nombre de militants rencontrés. « Les militants sont à l’image du peuple de gauche, confiait en clôture Emmanuel Maurel, organisateur de cette université d’été, i ls veulent bien participer au combat social mais pas au combat des chefs, aller à la castagne mais contre la droite. »

En contraste avec une droite qui affiche de plus en plus ses divisions, les socialistes ont donc fait taire les leurs. De l’accueil de Ségolène Royal par Martine Aubry, vendredi, à la photo de famille finale, dimanche, cette unité retrouvée a grandement été scénarisée. « Les gens ne nous pardonneraient pas de nouvelles divisions », avait justifié par avance Ségolène Royal dans un entretien à Libération (27 août). « Nous avons la responsabilité d’œuvrer pour un dispositif gagnant » , avait-elle ajouté, précisant être en plein accord sur ce point avec Martine Aubry. Mais en l’absence de débats clivants et d’échéances électives immédiates, l’unanimisme affiché n’était pas que factice.

Pour preuve, tout au long de son discours fleuve, Martine Aubry s’est contentée de développer les grandes lignes de son « autre France ». Posant les jalons et traçant les pistes en attendant que le PS précise ses propositions qui, promet-elle, « vont tomber en cascade de septembre à décembre » . En parallèle, elle a aussi promis que le PS mènerait la bataille de la réforme des retraites « dans l’hémicycle » et « dans la rue, aux côtés des syndicats et des salariés ». Et ce dès le 7 septembre, car « s’opposer, c’est aussi mobiliser, relayer les aspirations du mouvement social, leur donner un débouché politique » . Une intention louable, dont la concrétisation (ou non) influera sur le visage de cette « autre France ».

[^2]: 55 % des personnes interrogées par Viavoice pour Libération (24 août) souhaitent une victoire la gauche, contre 35 % qui sont d’un avis contraire. Les mêmes ne sont que 36 % à estimer qu’au pouvoir la gauche « ferait mieux que la droite », contre 57 % qui jugent qu’elle « ne ferait pas mieux ».

Politique
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