« La politique, la vraie »…
dans l’hebdo N° 1120 Acheter ce numéro
Laurent Joffrin, patron de Libération, écrit ce 27 septembre, dans un « billet », que « contrairement à une idée reçue, la politique, la vraie, celle des discussions de fond et des confrontations intellectuelles, intéresse le public ».
Venant d’un gars dont le journal nourrit quotidiennement une représentation de « la politique » où celle-ci se résume le plus souvent à l’énoncé d’informations aussi passionnantes que : « Bayrou se voit déjà au second tour » de l’élection présidentielle de l’année prochaine (ou : « L’ancienne garde des Sceaux » , Rachi2dati, « invitée sur Canal +, a employé le mot “fellation” au lieu d’“inflation” pour parler de la crise financière » ), et qui par conséquent contribue jour après jour à mettre
« la politique » sous le niveau des pâquerettes, une telle assertion peut étonner. Mais elle est au service, au cas précis, de la promotion de Libération, et de Laurent Joffrin, qui entend marquer d’une pierre blanche qu’ « avec 60 débats, quelque 150 responsables, intellectuels, hommes politiques ou leaders syndicaux présents » , dont Alain Minc, « et plus de 25 000 participants sur trois jours, le deuxième forum de Lyon organisé par Libération, The Independent et La Repubblica, avec la ville de Lyon, l’agglomération et la région Rhône-Alpes » (aimables sponsors), et qui portait sur le « thème de la “planète durable” » , a été
« un remarquable succès ».
De ces trois jours d’intense (mais bonne) intelligence (où, d’après le compte rendu qu’en fait Libération, une « petite Verte qui monte » (Cécile Duflot) a notamment pu narrer à un « gros tigre (de Birmanie) à moustache » (Christophe de Margerie, patron de Total) qu’ « on » l’avait bien prévenue qu’elle risquait fort de le trouver, tout pétroleux qu’il soit, « très sympa » ), Laurent Joffrin, se hissant haut dans le burlesque, tire en effet l’enseignement que Libération n’est plus seulement « un journal » , mais aussi – et surtout, crois-je comprendre – « un animateur civique, qui organise, en même temps que le traitement de l’actualité, la mise en présence réelle des citoyens et des responsables de la vie publique » (Dédé l’abonné meets Alain Minc à Lyon et sa vie s’en trouve changée)
et, même, un « agitateur démocratique ».
Dans la vraie vie, naturellement, Laurent Joffrin agite surtout, au fil de ses billets et comme pour mieux cadenasser la confrontation (intellectuelle) des points de vue dans le périmètre où François Fillon et Laurence Parisot veulent aussi la contenir, l’affirmation, par exemple, que la réforme des retraites (qu’il présente sans rire comme un « projet en discussion » ) est inévitable (et nécessaire), et que « la seule solution, c’est d’allonger la durée de cotisation » – ou qu’ « une grève longue […] serait trop impopulaire et mènerait à l’impasse et au découragement ».
De telle sorte qu’une même supplique monte du gouvernement et du patronat : oh, oui, Laurent, confronte encore !
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.