La preuve par Lula
Le 3 octobre, les Brésiliens voteront pour élire leur nouveau président de la République. Lula, qui ne peut briguer un troisième mandat, soutient Dilma Rousseff, du Parti des travailleurs. C’est l’occasion de faire le bilan de la présidence Lula : plutôt positif, en dépit d’inégalités persistantes.
dans l’hebdo N° 1120 Acheter ce numéro
Dimanche 3 octobre, le Brésil pourrait élire Dilma Rousseff pour présidente dès le premier tour
des élections générales : les derniers sondages
lui accordent 54 % des suffrages exprimés.
Fait remarquable, elle deviendrait la première femme à occuper ce poste dans l’histoire du pays.
Mais la perspective est largement occultée par l’ombre portée du phénomène Lula. A-t-il jamais pesé autant sur l’élection majeure, alors qu’il ne s’y présente pas, pour la première fois en six scrutins depuis 1989 [^2] ?
À l’heure où Luiz Inácio da Silva quitte le Planalto, l’action
de son gouvernement est jugée « bonne ou excellente » par près de 80 % des Brésiliens, et « mauvaise » par… 4 % à peine. Quel dirigeant de démocratie peut se prévaloir d’une telle cote après deux mandats (2002-2010) et huit ans de pouvoir ? Car Lula laisse un bilan inespéré et un pays transformé. Douce euphorie dans le secteur des entreprises : le Brésil pourrait devenir
la 5e puissance économique mondiale avant une décennie.
Il a entrepris d’être reconnu comme un « grand » dans le concert diplomatique mondial. La pauvreté et la faim, plaies endémiques du pays que le Président avait juré de combattre
en priorité, ont spectaculairement reculé. Pour cela, Lula a pris à contre-pied sa droite, qui agitait le spectre du « socialisme », et sa gauche, qui escomptait de profonds changements structurels pour mettre à bas les inégalités sociales, qui restent parmi les plus criantes au monde. Les plus radicaux rappellent volontiers que les banques n’ont jamais autant prospéré
que depuis 2003. Le Lula réel ne fut pas le Lula fantasmé.
Emblème de la gauche (au moins jusqu’à son élection), a-t-il trahi celle-ci ? Habillé par certains en messie au même titre qu’Obama en 2008, pouvait-il agir autrement ? Son succès, défaite du dogmatisme, interroge la gauche. Mais instruire aujourd’hui le procès en pureté idéologique de Lula serait vain tant la population se reconnaît dans son action. En particulier les plus pauvres, même si tant reste à faire. Quand le pire était une fatalité, ils témoignent que leur vie a changé, enfin.
[^2]: La Constitution lui interdit un troisième mandat successif.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don