La voie étroite de Benoît Hamon

La gauche du PS, qui avait invité les Verts, le PCF et le NPA à son université de rentrée, se raccroche à l’espoir d’une candidature de Martine Aubry pour peser sur la ligne du parti.

Michel Soudais  • 23 septembre 2010 abonné·es
La voie étroite de Benoît Hamon
© PHOTO : COEX/AFP

La gauche du PS fait parler d’elle. En invitant le numéro un du PCF, Pierre Laurent, le numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé, et surtout Olivier Besancenot à clôturer son université de rentrée, le courant de Benoît Hamon et d’Henri Emmanuelli, « Un monde d’avance », souhaitait attirer les médias, absents l’an dernier. Pari réussi ! La perspective de voir comment se comporterait le porte-parole du NPA devant un auditoire socialiste alléchait les rédactions. Qui auront essentiellement retenu l’image d’une gauche unie pour demander le retrait du projet du gouvernement sur les retraites.

Sur ce point, chacun convient que la réussite de la mobilisation sociale est une priorité, que l’unité syndicale et politique est une condition de son succès, et que la situation ne sera pas la même si Sarkozy fait passer sa réforme. « Si on marche séparément, on frappe ensemble sur le même clou » , a résumé Olivier Besancenot, qui n’a pas manqué de rappeler que les programmes du NPA et du PS n’étaient « pas compatibles dans un même gouvernement » : « Quand on regarde la Grèce, l’Espagne ou le Portugal, on voit que les capitalistes savent qu’ils n’ont pas grand-chose à perdre d’une alternance socialiste. » Il en fallait plus pour heurter le millier de militants présents qui venaient d’applaudir Jean-Vincent Placé déclarant ne plus croire « aux vertus de la social-démocratie » .

« Il y a des différences, peut-être même des incompatibilités entre nous, mais nous avons une grande responsabilité vis-à-vis du peuple de gauche, avait d’emblée prévenu Henri Emmanuelli. Si la gauche n’est pas rassemblée, nous aurons peut-être l’alternance, mais pas de transformation sociale. » Récusant « la thèse des deux gauches inconciliables » , Pierre Laurent a assuré, lui, que « le problème est de savoir où sera le centre de gravité de la gauche en 2012 » . Une interrogation partagée par les amis de Benoît Hamon.

Car, au-delà de l’affichage final, cette université de rentrée aura surtout été l’occasion pour ce courant de faire le point après deux années de participation à la direction du PS. Et d’abord de revendiquer quelques victoires dans les textes du PS. Benoît Hamon en a rappelé quelques-unes à la tribune, dimanche : « Augmentation des salaires, c’est dans nos textes. Retraite à 60 ans, c’est dans nos textes. » Tout comme le « gel des loyers » , la « séparation de la banque de détail et de la banque d’affaires » ou la création d’un « pôle financier public ». D’autres avancées comme la référence à des « écluses sociales et écologiques », un coin enfoncé dans le dogme du libre-échange, ont aussi été mises au crédit de la quinzaine de secrétaires nationaux du courant, lors des divers ateliers.

Ceux-ci avaient pour but, entre autres, de réfléchir aux propositions à défendre dans l’élaboration du projet socialiste, notamment à l’occasion de la convention nationale sur l’égalité réelle, prévue début 2011, et pilotée par Benoît Hamon. Et, au-delà, de défendre une autre pratique du pouvoir. Enjambant les « expériences de la gauche au pouvoir » , Benoît Hamon présente celle du Front populaire comme… « la plus proche » . Au moins du changement de « culture de gouvernement » que le PS devrait, selon lui, opérer : « Si l’objectif c’est de modifier le contrat social, les socialistes ne pourront le faire seuls. Il faudra le faire avec le reste de la gauche » et notamment « le mouvement social, [qui] n’est pas l’adversaire du PS, surtout quand il gouverne » , mais « son meilleur allié ».
Pour « Un monde d’avance », cette pression, où la rue tient la plume des futures réformes, commence aujourd’hui, avec la bataille sur les retraites. « On engrange ce qu’on peut en fonction du rapport de force interne et on joue la mobilisation sociale pour pousser le curseur le plus loin possible, décode Marie-Noëlle Lienemann. Le rôle de la gauche du parti a toujours été là. » Mais ce rôle ne sera pas le même suivant le candidat désigné à l’issue des primaires de 2011.

Nettement hostiles à Dominique Strauss-Kahn, peu séduits par Ségolène Royal, les militants d’« Un monde d’avance » se raccrochent à une candidature de Martine Aubry. Une sorte de vote utile motivé par l’espoir de peser sur la ligne du parti. Un choix non dénué de risques, les principaux étant que la maire de Lille se retire devant le directeur du FMI ou, dans le cas où celui-ci ferait le choix de Washington, que les strauss-kahniens imposent leurs orientations à la maire de Lille. En prévision de cette échéance, le courant a donc décidé au Vieux-Boucau d’une réorganisation interne. Razzy Hammadi et Pouria Amirshahi, secrétaires nationaux aux services publics et aux droits de l’homme, ont été chargés de « réactiver la coordination interne ». En clair, après un an et demi de batailles feutrées sur les orientations du PS, il s’agit de remettre les troupes, dont de nombreux jeunes militants au MJS ou à l’Unef, en ordre de marche en vue des primaires. Pour soutenir Martine Aubry contre quelques concessions de celle-ci dans le programme. Ou, à défaut, être en capacité de présenter un candidat, pour ne pas disparaître.

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