Pourquoi le boycott ?

Michel Warschawski  • 23 septembre 2010 abonné·es

Au cœur du contentieux palestino-israélien, se trouve l’impunité de l’État hébreu, qui depuis des décennies viole le droit international, ignore des centaines de résolutions des Nations unies, agresse militairement ses voisins, refuse d’appliquer les accords qu’il a lui même signés et continue pourtant à être traité comme si de rien n’était, voire à être considéré comme « la seule démocratie au Moyen-Orient » . Un des effets pervers de cette impunité est le développement, limité mais réel, de propos antisémites sur « les Juifs qui tiennent le monde et se trouvent au-dessus des lois ». Certes, Israël n’est pas le seul État du monde à violer le droit international et les résolutions de l’ONU, mais le fait qu’il s’agisse d’un État dont la création est le fruit d’une décision de ces mêmes Nations unies, au détriment des droits de la population indigène, semble renforcer encore le sentiment d’exceptionnalité qui n’est jamais bon.

Mettre fin à l’impunité d’Israël est tout d’abord une question d’hygiène dans les relations internationales : nous œuvrons à un monde qui ne soit pas géré par la force mais par le droit, et avons considéré le traité de Rome et la constitution d’une Cour pénale internationale comme des pas en avant dans la longue marche vers la régularisation des relations internationales, et la pénalisation des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Ladite communauté internationale n’a pas hésité à prendre des sanctions contre d’autres États, de l’Afrique du Sud à la Yougoslavie, et à faire parfois usage de la force militaire. Face à l’oppression coloniale en Palestine, elle reste pourtant complaisante envers l’État d’Israël, se contentant, de temps à autre, d’exprimer son espoir que les choses évoluent, un jour, dans le bon sens.

C’est cette complaisance des États et des institutions internationales qui a poussé la société civile palestinienne à lancer, en 2005, un appel à une campagne internationale pour le boycott, le désinvestissement et des sanctions (BDS) contre Israël. Si cette campagne a eu de la peine à démarrer, l’agression contre le Liban en 2006 et le massacre de Gaza en 2009 ont mis en évidence qu’il était impératif de mettre fin à l’impunité de l’État hébreu. Aujourd’hui, la campagne BDS est une réalité que même les dirigeants israéliens ne peuvent plus ignorer, eux qui viennent de soumettre à la Knesset un projet de loi visant à criminaliser ceux qui participent au BDS, en Israël ou à l’étranger.

Quelques pays, le Venezuela en particulier, ont rappelé leurs ambassadeurs, des syndicats scandinaves ont décidé de désinvestir leurs fonds de pension, et des groupes de citoyens dans des dizaines de pays organisent des campagnes de boycott des produits israéliens. Cette campagne s’inspire de l’expérience de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, mais ses effets se font sentir bien plus rapidement, et ce malgré la complicité de nombreux États dont certains, comme la France, ont décidé de traduire en justice les militants qui s’y impliquent. La ministre française de l’Intérieur n’a d’ailleurs pas hésité à user sciemment du mensonge, en amalgamant boycott des produits israéliens et boycott des magasins juifs (casher). La campagne BDS n’est évidemment pas antisémite et se démarque clairement des quelques dérapages qu’il y a eus dans ce sens.

La force de la campagne BDS réside dans sa flexibilité, car elle laisse chacun exprimer sa volonté de sanctionner l’État voyou qu’est Israël à sa manière : boycott des produits israéliens ou boycott des produits des colonies, boycott culturel ou non, campagne contre le rehaussement du statut de l’État d’Israël dans l’Union européenne – les tâches ne manquent pas et il serait futile et contre-productif d’uniformiser les cibles de cette campagne. C’est leur effet cumulatif qui lui donne son efficacité, et l’efficacité doit être notre objectif à tous.
Quant à nous, militants anticolonialistes israéliens, nous soutenons pleinement cette campagne à travers le « Boycott de l’intérieur », dont le message peut se résumer ainsi : en boycottant Israël, vous apportez une aide précieuse à notre combat pour sensibiliser notre opinion publique et lui faire comprendre que, plus la guerre coloniale se poursuivra, plus Israël sera traité par l’opinion internationale comme un État voyou, mis de plus en plus au ban de la communauté des Nations.

Monde
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

La Brigade rouge : un poing c’est tout !
Portfolio 20 novembre 2024 abonné·es

La Brigade rouge : un poing c’est tout !

Pour pallier les carences et manquements de l’État indien, l’ONG la Brigade rouge s’est donné pour mission de protéger et d’accompagner les femmes qui ont été victimes de viol ou de violences sexistes et sexuelles. Reportage photo.
Par Franck Renoir
À Koupiansk, en Ukraine, « il ne reste que les vieux et les fous »
Reportage 20 novembre 2024 abonné·es

À Koupiansk, en Ukraine, « il ne reste que les vieux et les fous »

Avec les rapides avancées russes sur le front, la ville de Koupiansk, occupée en 2022, est désormais à 2,5 km du front. Les habitants ont été invités à évacuer depuis la mi-octobre. Malgré les bombardements, certains ne souhaitent pas partir, ou ne s’y résolvent pas encore.
Par Pauline Migevant
À Valence, un désastre climatique et politique
Reportage 20 novembre 2024 abonné·es

À Valence, un désastre climatique et politique

Après les terribles inondations qui ont frappé la région valencienne, les réactions tardives du gouvernement de Carlos Mazón ont suscité la colère des habitants et des réactions opportunistes de l’extrême droite. Pour se relever, la population mise sur la solidarité.
Par Pablo Castaño
Pourquoi les Démocrates ont perdu l’élection présidentielle
Analyse 13 novembre 2024 abonné·es

Pourquoi les Démocrates ont perdu l’élection présidentielle

Après la défaite de Kamala Harris, les voix critiques de son parti pointent son « progressisme », l’absence de considération des classes populaires et le coût de la vie aux États-Unis. Les positions centristes de la candidate pour convaincre les électeurs indécis n’ont pas suffi.
Par Edward Maille