Finlande et propagande
dans l’hebdo N° 1122 Acheter ce numéro
Le Monde, poursuivant sa mission d’information des masses populaires (suivant des modalités qui font, dit-on, dire à Chérèque & Fillon que sans le Monde la propa serait moins gande), narre, dans son édition datée du 12 octobre, que « la Finlande trace la voie d’une réforme réussie » des retraites, où, « de 1995 à 2009, le taux d’emploi des seniors est passé de 34 % à 55,5 % » , comme dans les rêves les plus fous du patronat.
Pour obtenir ce miraculeux résultat, où la France gagnerait à prendre son inspiration, comment donc a fait la Finlande ?
La Finlande, s’extasie le Monde (qui précise que c’est « l’aboutissement de quinze ans de réflexion »), a « utilisé la méthode de la carotte et du bâton » , généralement réservée aux ânes, mais qui, par conséquent, marche aussi avec les retraité(e)s, dont l’animalité peut donc être nettement dite
– cesse de braire, foutue bourrique, ou je t’enlève tes annuités.
Pour le côté bâton : « dès 1994 » , les Finlandais ont augmenté progressivement « l’âge de la préretraite de 55 à 58 ans » , et, en même temps, « les retraites du public ont commencé à être ajustées à la baisse pour s’aligner sur celles du privé » .
Bon début, convenons-en, mais le meilleur, juge-t-on au Monde, est venu quelques années plus tard, quand « la réforme la plus importante fut adoptée en 2005 » : là, « au lieu d’augmenter » sottement « l’âge de la retraite, comme le font la plupart des pays, la Finlande a choisi la flexibilité » , comme on choisit la liberté, en « permettant aux actifs de prendre leur retraite entre 63 et 68 ans ».
Cadeau supplémentaire : « L’âge de la préretraite a encore été relevé à 62 ans et le taux des pensions a été affecté » , puisqu’« en arrêtant » de travailler « à 62 ans au lieu de 63 ans, la retraite est amputée de 7,2 % du salaire » .
Donc, si nous récapitulons : pour le côté bâton, cette « réforme réussie » des retraites a consisté, entre 1994 et 2005, à relever de sept ans l’âge de la préretraite – mais le Monde jure, sans rire, qu’elle a ceci de vachement bien qu’elle n’a aucunement relevé l’âge de la retraite.
Pour le côté carotte, qui se résume principalement comme suit, l’entreprise Abloy, « leader mondial des systèmes de fermeture de portes » , a (je préfère te prévenir que c’est proprement stupéfiant, et que ça donne envie d’émigrer après 60 ans vers Copenhague) « mis en place un programme dont l’objectif est de prolonger la durée de travail de ses employés de deux ans » , et qui comprend, tiens-toi bien : « des conférences, des tests de fitness, des expositions artistiques, des chèques-vacances » . Bref : le paradis.
Tu vas finalement continuer à trimer comme un porc, mon Raymond, et quand t’auras fini tes sept années supplémentaires, non seulement on t’enlèvera que 7,2 % de ton salaire, mais de surcroît on te montrera Monet au Grand Palais : ça serait bien que tu fasses un petit mot au Monde, pour dire comment que t’es content.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.