Les éditocrates à la lanterne
dans l’hebdo N° 1123 Acheter ce numéro
Ivan Rioufol est bloc-noteur vendredique au Figaro de Serge Dassault, de l’UMP.
Donc, Ivan Rioufol reçoit tous les mois un émolument de Serge Dassault, de l’UMP : il est donc tout près du manche, dans une époque où l’UMP veut régner sur nos vies.
Mais, pour autant, le gars se voit comme un Résistant – avec un grand « R » (comme par exemple dans Regarde – si – je – seRs – fidèlement – le – Régime – et – sa – Réforme – des – Retraites).
Pour ce faire, il invente au kilomètre d’imaginaires périls, contre lesquels, non sans courage, il fait de ses chroniques un rempart au lectorat du Figaro.
Ces dangers sont, le plus souvent, de type mahométan
– puisque tout aussi bien l’essentiel de sa production tient, semaine après semaine, dans l’obsessive répétition que, oui-da, mon Raymond, des musulmans vont en effet, comme tu l’as supposé, venir sous peu nous violenter, sauf si l’Occident se réveille enfin, debout, Raymond, debout la France !
Mais l’islam n’est pas le seul objet de sa créativité : il arrive aussi que notre prédicateur pense être plutôt sous la menace de Maximilien Robespierre.
Ce vendredi, par exemple : Rioufol assure avoir entendu, en marge du mouvement contre la réforme des retraites, « des appels à 1793 » .
Et dans la vraie vie, naturellement, personne, qu’on sache, n’a réclamé la Terreur.
Mais l’amusant est qu’au lendemain de la publication de cette nouvelle divagation du bloc-noteur de Serge Dassault, un autre penseur – et non le moindre, puisqu’il s’agissait d’Alain Minc – a livré lui aussi le tréfonds de ses fantasmes.
Comme chez Ardisson l’honorable [^2] Xavier « Conti » Mathieu lui rappelait en effet, sans trop s’embarrasser de trop d’aménité, la vérité fondamentale que si les travailleurs s’unissent contre les patrons, les patrons se ch… feront dessus, tout d’un coup le tout petit [^3] Minc a fondu ses tout petits plombs, crachant vers le syndicaliste : « Ne prenez pas ce ton comme si vous alliez me pendre parce que vous allez faire la révolution. Vous n’êtes pas, jusqu’à nouvel ordre, Trotski, et je suis pas encore au bout de votre pioche. »
Adoncques, en deux jours, deux éditocrates nous ont laissé voir, l’un par l’invocation de la Révolution française, l’autre par celle, non moins grotesque, de la révolution russe, qu’ils se vivaient en somme en personnages d’anciens régimes – et de fait, maintenant qu’ils le disent : c’est bien ce qu’ils sont, et de fait, chaque mot qu’ils ont écrit ou dit depuis leur entrée en éditocratie, relu à l’aune de ces imprécations, nous dit que leur combat d’une vie est un combat pour la restauration des temps où les gueux n’avaient certes pas l’outrecuidance d’apostropher leurs tout petits maîtres.
[^2]: C’est dit sans ironie, je puis te l’assurer.
[^3]: C’est pas gentil, de se moquer de la hauteur d’Alain Minc, me dit-on dans mon oreillette. Non, hein ?
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.