Paradoxe sanitaire
Le nouveau plan de lutte contre le sida est en contradiction avec l’exclusion des étrangers malades.
dans l’hebdo N° 1128 Acheter ce numéro
Le plastique, c’est fantastique : le pape n’en est pas à le chanter sur tous les toits, mais Benoît XVI, et l’Église derrière lui, a fait un petit mouvement dans cette direction en admettant dans le livre d’entretiens Luce del mondo (« Lumière du monde »), paru le 24 novembre, que l’usage du préservatif pouvait être justifié « quand l’intention est de réduire le risque de contamination » . Exemple cité par la plus haute autorité de l’Église ? Celui de l’homme prostitué, ce qui réduit le champ des contaminations. En outre, 20 % de la population mondiale aurait accès aux préservatifs alors que l’épidémie toucherait plus de 40 millions de personnes. Il n’empêche : un an après le discours antipréservatif du pape en Afrique, sa volte-face à la veille du 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, est unanimement saluée.
« Tout recule sauf le sida », rappelle Act Up-Paris, qui appelle à manifester le 1er décembre place de la Bastille, à l’heure où la France nage en plein paradoxe sanitaire. D’un côté, le ministère de la Santé met à disposition le plan national de lutte contre le VIH/sida et les IST 2010-2014. De l’autre, l’Assemblée adopte des mesures qui restreignent l’accès à l’aide médicale d’État dans la loi de finances 2011 et limite le droit au séjour pour raison médicale dans la loi Besson sur l’immigration.
Très critique en juin à l’égard de la première version du plan 2010-2014, le Conseil national du sida (CNS) a reconnu le 21 octobre que la deuxième mouture prenait en compte « plusieurs de ses recommandations » , notamment en matière de dépistage. « Traiter, c’est d’abord dépister », insiste le ministère de la Santé, préconisant de proposer le dépistage à la population « hors notion d’exposition à un risque » , de « renforcer l’action en direction des groupes les plus vulnérables » , et de mettre en œuvre « une nouvelle forme de dépistage » , réalisé par les médecins traitants, sages-femmes, infirmiers, laboratoires et structures associatives. Médecins du monde (MDM) se réjouit de la publication de l’arrêté autorisant les tests de dépistage rapides (qui donnent le résultat en 30 minutes grâce au prélèvement d’une goutte de sang au bout d’un doigt), qui permettront aux personnes vulnérables un meilleur accès au dépistage : 50 000 personnes ignoreraient être porteuses du virus en France. « Toutefois, a ajouté le CNS à propos du plan 2010-2014, les avancées envisagées, notamment en faveur des migrants, des usagers de drogues et des personnes prostituées, apparaissent mineures. »
« Peut-on accepter de renvoyer des malades mourir dans leur pays d’origine ? » , s’insurge MDM en fustigeant la nouvelle loi sur l’immigration, qui subordonne le droit au séjour à l’ « inexistence du traitement dans le pays d’origine » . « Les traitements “existent” formellement dans tous les pays du monde » , peste le CNS. Mais rien n’en garantit l’accès. « En fondant la décision sur ce seul critère, les dispositions entraîneront un rejet des demandes de titre de séjour émanant des personnes infectées par le VIH, ou encore la perte de leur titre de séjour, à l’occasion de son renouvellement, pour les personnes qui en bénéficient aujourd’hui à ce titre. » Dorénavant, les malades seront-ils plus dépistés mais moins traités ?