Un sommet d’austérité

Le Conseil européen va réviser le traité de Lisbonne pour pérenniser le fonds de stabilisation financière. Le pacte de stabilité est renforcé et un contrôle préalable des budgets nationaux institué.

Michel Soudais  • 4 novembre 2010 abonné·es
Un sommet d’austérité
© Photo : AFP

Toujours plus d’austérité, encore moins de démocratie. Telle est l’orientation qui se dégage du Conseil européen qui s’est tenu à Bruxelles les 28 et 29 octobre. Les négociations au sommet des vingt-sept chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont abouti à des décisions qui feront date sur trois points cruciaux.

Le dispositif mis en place au plus fort de la crise grecque pour éviter à cet État de se trouver en situation de faillite sera pérennisé. Le fonds de 750 milliards créé au printemps à cette fin et abondé par les États, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), dérogeait au traité de Lisbonne, qui interdit à la BCE et aux États de venir en aide financièrement à l’un des membres de l’UE ; sa durée avait donc été limitée à 2013. Angela Merkel, qui avait rechigné à la création de ce mécanisme, exigeait pour donner son feu vert à sa prolongation une modification du traité de Lisbonne – condition nécessaire pour ne pas risquer un blocage de la Cour constitutionnelle allemande – ainsi qu’un renforcement de la discipline budgétaire. Elle a en grande partie obtenu satisfaction, au terme d’une négociation qualifiée par elle-même de « dure » .

Le traité de Lisbonne sera modifié. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, est chargé d’étudier comment y parvenir sans modifier en profondeur le texte d’origine pour éviter que des procédures référendaires ne viennent retarder cette révision qui devra être bouclée mi-2013. Cette décision est d’autant plus spectaculaire que ce traité était jusqu’ici présenté comme intouchable quand il s’agissait d’y insuffler progrès social et démocratie. Mais il s’agit là de donner un cadre juridique à un mécanisme financier dont le cofinancement sera assuré par les banques. Un mécanisme qui, en imposant à la Grèce des conditions draconiennes et en permettant aux États prêteurs de gagner de l’argent sur le dos du peuple grec, a prouvé qu’il ne relève pas de la solidarité.

Second point crucial, si la chancelière allemande n’est pas parvenue à priver de droits de vote aux réunions européennes les États dont les finances publiques dérapent, ce qui aurait nécessité une profonde réforme du traité, le pacte de stabilité et de croissance, table de la loi de la zone euro, sera renforcé. Les sanctions à l’encontre des mauvais élèves de la zone euro surviendront plus tôt et plus vite. Elles pourront être infligées avant même que les limites officielles des 3 % de déficit budgétaire et 60 % de dette maximale rapportée au produit intérieur brut soient effectivement dépassées. Et prendront la forme d’une ponction sur les budgets nationaux qui, dans le cas de la France, pourrait atteindre 10 milliards d’euros. Sans être automatiques, comme le souhaitait la BCE, « les sanctions seront décidées plus facilement » , a souligné Herman Van Rompuy. Cette conception punitive de l’Europe avait préalablement été approuvée par le Parlement européen (voir article).

Enfin, pour mieux prévenir les dérapages, un nouveau système de surveillance économique devrait être adopté au sommet de décembre, où seront finalisées toutes ces décisions. L’UE ne surveillera plus uniquement la dette publique, mais également les bulles immobilières et le niveau de compétitivité des pays (salaires et systèmes sociaux notamment). Au premier semestre de chaque année, les propositions de budgets nationaux devraient être visées par les institutions européennes avant même leur approbation par les parlements nationaux. La souveraineté que les peuples exercent à travers leurs parlements est ainsi confisquée au profit d’un aréopage non élu, uniquement préoccupé – ce sommet en est une nouvelle illustration – par les intérêts des marchés financiers.

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