À Cancún, tout se passe dans la rue
Un an après Copenhague, seuls une vingtaine de chefs d’État participent à la conférence sur le réchauffement climatique. Paysans, syndicalistes et écologistes latino-américains dénoncent le « capitalisme vert ». José Bové, Cécile Duflot et Martine Billard se sont rendus au contre-sommet français sur le climat, à Cancon.
dans l’hebdo N° 1130 Acheter ce numéro
C’est un théâtre simple et saisissant qui s’est joué à Cancún depuis dix jours. Côté cour, c’est l’intérieur d’un palace retranché. Une nuée de délégués issus de quelque 190 pays s’y agitent au chevet d’une machinerie boursouflée de sous-groupes, à la recherche du millième compromis capable de déplacer une virgule qui fâche dans un texte perclus d’acronymes. Au nom d’une ambition qui s’est brutalement dégradée depuis la conférence onusienne de Copenhague l’an dernier : la priorité n’est plus de lutter contre le dérèglement du climat, mais de s’y adapter. États-Unis paralysés, Chine sur son quant-à-soi, Europe dans le blues, etc. Plus personne ne croit possible de limiter le réchauffement à 2 °C d’augmentation. Brice Lalonde, ambassadeur « climat » de la France, se satisferait au sortir de Cancún d’un maigre viatique : la confirmation des modestes engagements de réduction des pays pris après Copenhague, quelques avancées sectorielles (déforestation, aide aux pays pauvres) et une « perspective pour Durban », où se tiendra le sommet climat de 2011.
Le bras de fer, à Cancún, s’est cristallisé sur le protocole de Kyoto, qui oblige les pays industrialisés à baisser (un peu) leurs émissions. Alors que l’adoption d’un nouvel accord plus global est reportée sine die , depuis l’échec de Copenhague, restait l’espoir que Kyoto puisse être prolongé au-delà de 2012, sa date d’échéance. Cette demande expresse de plusieurs pays non industrialisés s’est heurtée au refus abrupt du Japon et à la frilosité des autres. Dès lors, à quoi bon la bonne volonté molle de l’Union européenne… Cancún enterrera-t-il Kyoto, unique outil en son genre ?
Côté rue, des paysans, des mouvements indigènes, des syndicats, des ONG… L’an dernier, certains poussaient derrière les gouvernements, en quête d’un vrai accord de réduction des émissions. Cette année, tous dénoncent la démission des gros pollueurs et appellent à un véritable changement de société pour éviter le pire. À Cancún, alors que le sommet officiel s’enlisait sous son poids, distendu par les égoïsmes nationaux, la conscience du monde s’affiche dans la rue.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don