La moustache de gauche de José Bové
dans l’hebdo N° 1132-1133 Acheter ce numéro
En 2007, il y eut au moins un candidat à ne pas y penser « en se rasant » : José Bové, leader de la Confédération paysanne, fut bien inspiré de ne pas se séparer de sa célèbre toison labiale. Glabre, aurait-il recueilli 1,32 % des voix ? Moins encore, probablement.
Car, sans sa moustache, José n’est plus Bové. Fournie, ronde, généreuse, clairement de gauche, c’est l’anti moustache-brosse d’Hitler ou de Pinochet. À première vue, elle paraît plus proche de la broussaille nietzschéenne. Ou des vibrisses tombantes du « Tigre » Clemenceau. Mais, en réalité, la moustache « bovéenne », qui fleure bon le terroir et la France éternelle – et n’est sans doute pas étrangère à la fascination des Américains pour notre José national –, ressemble à s’y méprendre à celle de Vercingétorix : Bové le Gaulois, qui résiste encore et toujours à la mondialisation et à ses envahisseurs néolibéraux. Ou quand il est affaire de poils, il est forcément question de racines…
Dire qu’on a frisé l’engouement pour cette moustache est sans doute exagéré. Reste qu’encore récemment elle s’invitait dans l’émission « Questions de génération », sur France 4. Une lycéenne interpelle le faucheur volontaire : « Seriez-vous prêt à raser votre moustache en tant qu’action symbolique contre les OGM ? » Bové, un poil gêné, coupe court au débat : « Je me raserai le jour où il faudra prendre le maquis ! »
Des hippies aux skinheads, des barbus révolutionnaires (Marx et Castro) aux barbus islamistes, le poil – ou son absence – a, tout au long de l’histoire, souvent pris une tournure contestataire. Lors d’une « période troublée ou en mutation, la taille des cheveux, la façon de les coif fer peuvent servir à afficher […] son appartenance militante à tel ou tel groupe, clan ou parti, voire, comme ce fut le cas dans la seconde moitié du XXe siècle, à manifester l’expression de sa révolte contre un système économique » , souligne Martin Monestier dans les Poils, histoires et bizarreries (le Cherche-Midi, 2002). Plus qu’un talisman qui le porterait au rang d’icône, la moustache de José Bové est donc un acte politique en soi.