Le piano charmeur de Yaron Herman

Le lapin blanc que Yaron Herman nous demande de suivre sur la pochette de son dernier CD, c’est bien sûr celui d’Alice et son pays des merveilles, un monde de musiques aimées, assimilées et enjolivées dans lequel on entre par un piano-miroir plus formant que déformant. À moins de 30 ans, Yaron Herman fait montre d’une maturité étonnante dans la capacité à façonner un style personnel en même temps que d’une fraîcheur juvénile dans le plaisir qu’il prend à jouer d’une infinité de références (de Scriabine à Björk). Né à Tel-Aviv, où il accéda à la musique par des méthodes non conformistes, passé par le Berklee College of Music de Boston, Yaron Herman s’est finalement établi à Paris. Il s’y distingue très vite par une approche globale de l’instrument qui lui permet d’asseoir une grande fluidité de récit sur des appuis ponctuels, énoncés grâce à une vaste palette de frappes, et des renversements d’accords originaux. Il crée ainsi des dynamiques de couleur qui animent ses compositions et lui permettent d’aller chercher le charme mélodique là où on ne l’attendrait pas (chez Kurt Cobain, par exemple). Son précédent enregistrement (A Time for Everything, Laborie, 2007) avait mis en lumière cet aspect de son talent ; le plus récent illustre surtout ses qualités de compositeur. Yaron Herman est un lapin blanc qui s’est bricolé une montre pour faire courir le temps et non plus courir après lui.

_D.-C. M.