Les facs vendues au Medef
Les présidents d’université ont signé avec le Medef un accord permettant aux entreprises d’intervenir dans les enseignements et la recherche.
dans l’hebdo N° 1130 Acheter ce numéro
L’université se vend au privé. Le 23 novembre, Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d’université (CPU), et Laurence Parisot, présidente du Medef, ont signé la première convention destinée à encadrer les partenariats entre les universités et les Medef régionaux et territoriaux, ainsi que les fédérations professionnelles intéressées. Une démarche préparée par la loi LRU de 2007 consacrant l’autonomie des universités, notamment pour trouver les moyens financiers que l’État leur refuse. Cet accord organise donc l’intervention de l’entreprise dans l’enseignement supérieur. Objectif affiché : favoriser l’emploi des jeunes ainsi que la recherche et l’innovation. « Cette convention envisage “l’employabilité” […] comme l’unique finalité de l’enseignement supérieur. Pas un mot sur la culture, l’autonomie intellectuelle, l’esprit critique… » , s’offusque SUD-Étudiants. Le texte prévoit que « les représentants des entreprises participent aux décisions stratégiques des établissements d’enseignement supérieur et de recherche » .
Ils pourront en effet siéger aux conseils des universités, conseils de composantes, conseils de perfectionnement, conseils d’orientation stratégique et conseils d’administration des fondations. Motif : améliorer « la connaissance mutuelle » . Mais il n’est pas question en revanche que la CPU participe aux conseils d’administration des entreprises, remarque le collectif Sauvons la recherche.
« Pas d’autres solutions » pour pérenniser « le fonctionnement d’un certain nombre d’universités » , a-t-il été expliqué aux présidents d’université. Sauf qu’ainsi ce n’est pas l’entreprise qui vient au secours de la fac, mais plutôt le contraire. Exemple de disposition : « Favoriser l’insertion professionnelle par le développement de stages à tous les niveaux et dans toutes les filières de formation. » « Avec plus de 2 millions d’étudiants, c’est une véritable armée de travailleurs précaires et sous-payés que cherchent à se constituer les employeurs » , dénonce SUD-Étudiants. Sans compter la « concurrence accrue pour trouver un stage » ou l’impossibilité de valider leur année pour les étudiants.
Du côté de la recherche, la convention entend « développer les contrats associant laboratoires universitaires et industriels » . Ce qui mène à des diplômes liés à des entreprises et la « mise en place de portails favorisant l’accès des entreprises à l’expertise de la recherche publique » . « L’Université joue donc le rôle de centre de formation gratuit pour les entreprises, qui auront toute latitude pour orienter les enseignements et les étudiants en fonction des “besoins de recrutements actuels et futurs” » , résume l’Union des étudiants communistes. Qui ajoute : « Tout ceci intervient sur fond d’entrée de capitaux privés par le biais des fondations, instaurant le mécénat entrepreneurial au sein des universités. » À un président d’université de la région parisienne qui s’inquiétait de la façon dont il allait financer des départements d’histoire, de français ou de philosophie, il a été répondu : « Ce genre d’enseignement ne coûte pas plus cher qu’il ne rapporte, donc, pas de problème. »