Les limites de la réconciliation
Mohamed Gharbi, 75 ans, ancien résistant et patriote, est condamné à mort pour avoir tué un chef terroriste. Des milliers de personnes réclament sa grâce.
dans l’hebdo N° 1129 Acheter ce numéro
L’affaire n’est pas simple et révèle les limites de la politique de réconciliation nationale menée par le président Bouteflika. Mohamed Gharbi, ancien officier de l’Armée de libération nationale, a créé pendant les années 1990 le premier groupe de légitime défense (GLD) de Souk Ahras (est du pays). Armés par l’État, ces groupes de « patriotes » étaient chargés d’assurer la sécurité des villages contre les terroristes islamistes.
Au début des années 2000, la loi sur la concorde civile mise en place est dotée d’une « grâce amnistiante » qui offre la possibilité à 6 000 combattants de l’Armée islamique du salut (AIS) d’obtenir le statut de « repentis » et de se réintégrer dans la société civile. Ali Mérad, émir de l’AIS à Souk Ahras, est l’un d’entre eux. À plusieurs reprises, le repenti croise et menace de mort le patriote en lui montrant son arme. Gharbi porte plainte à chaque fois mais, comme rien n’est fait pour le protéger, il décide de se faire justice lui-même. Le 11 février 2001 au matin, il attend Ali Mérad devant son domicile et l’abat à bout portant. Puis se rend à la police. Mohamed Gharbi est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Aucune circonstance atténuante n’est retenue.
Rejugé en appel en 2007, il est condamné à perpétuité puis à la peine de mort en 2009. Sentence confirmée le 22 juillet 2010 par la Cour suprême, qui rejette le pourvoi en cassation. La peine capitale n’est pas appliquée en Algérie, mais, ce jugement étant définitif, plus aucun recours judiciaire n’est envisageable.
Plusieurs comités de soutien se sont mobilisés à travers le pays et sur Internet, où ils ont fait grand bruit. Les jeunes du collectif Libérez Mohamed Gharbi (LMG) ont lancé une pétition qui a réuni des milliers de signatures, dont celles de personnalités du monde politique et artistique. Mohamed Gharbi a aujourd’hui 75 ans. Malade, il risque fort de mourir en prison si le président Bouteflika, seul à pouvoir le gracier, ne fait rien.
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