Une lutte de tous contre tous
Patrick Vassort, sociologue, maître de conférence à l’université de Caen*, explique en quoi le sport peut être un théâtre de conflictualité propice à une instrumentalisation.
dans l’hebdo N° 1130 Acheter ce numéro
« Cela fait longtemps que la violence est présente dans le club parisien. Six ou sept ans après sa création, vers 1977-1978, sont apparus les premiers groupes violents, racistes, xénophobes et nationalistes, avec notamment la présence de skinheads. S’agit-il de vrais supporters ? Ce n’est plus le débat. Mais certains groupes extrémistes utilisent les tribunes pour recruter parce qu’ils sont sûrs d’y trouver la chair à canon nécessaire, des gens qui seront sensibles à ce qui est montré ou raconté. Il est beaucoup plus difficile d’aller recruter des extrémistes à l’opéra ou au théâtre.
Le problème persiste parce que, au fond, le football véhicule ces valeurs. Il s’agit du sport le plus populaire, là où on arrive à faire groupe. Or, il y a dans le sport cette dimension indéniable, identitaire, qui permet sans doute de valoriser les régionalismes et les nationalismes. Le sport est une pratique hautement compétitive où l’on crée de la conflictualité. Si on y ajoute la dimension identitaire, il y a tout ce qu’il faut pour que le sport devienne un haut lieu des revendications d’extrême droite. On ne peut oublier que Coubertin a favorisé le sport en France dans le but de “bronzer la race”, c’est-à-dire de faire des corps d’acier de manière à prendre une revanche sur les Allemands. Cette dimension identitaire est ainsi propre au sport, à son développement.
On ne peut donc parler de basculement dans la violence, mais d’une accélération due au tout-médias, ce que Guy Debord appelle “la société du spectacle” et Marx “l’abstraction de la valeur” .
Autrement dit, on va trouver des valorisations dans ce qui, fondamentalement, ne mérite pas d’être valorisé. La médiatisation montre le spectacle mais aussi fait croire à l’importance de celui-ci. Le vrai basculement, dans cette lutte de tous contre tous que représentent les groupes de supporters, se situe peut-être dans l’importance que l’on donne au sport. »