Au secours, Hollande revient !
L’ancien patron du PS apparaît désormais comme un prétendant sérieux pour les primaires. Malgré un bilan politique déplorable…
dans l’hebdo N° 1136 Acheter ce numéro
C’est la surprise politique de ce début d’année. François Hollande revient sur le devant de la scène. Dans la course aux primaires socialistes, l’ex-premier secrétaire du PS ne supplante pas encore Dominique Strauss-Kahn dans les enquêtes d’opinion, loin s’en faut. Mais selon une étude de l’Ifop publiée le 10 janvier dans France-soir, 18 % des sympathisants socialistes souhaitent le voir « désigné comme candidat » en 2012. Plus encore que ce score somme toute modeste, même s’il devance Ségolène Royal et Martine Aubry, c’est sa progression qui est remarquable : il enregistre un bond 13 points ! Il n’en fallait pas plus pour que Libération le présente comme « l’outsider » et lui consacre sa Une. François Hollande alias « Culbuto » mérite encore bien ce surnom dont l’affublaient quelques-uns de ses camarades quand il était à la tête du PS. Un règne de onze ans au bilan plutôt terne.
En 1997, c’est un peu par hasard que le député de Corrèze devient Premier secrétaire du PS. Devenu Premier ministre, Lionel Jospin ne souhaitait pas confier les clefs de Solferino à un éléphant avec qui il aurait pu entrer en conflit. François Hollande, porte-parole du parti depuis 1995 fera l’affaire. Jeune diplômé (Sciences-po, HEC, ENA) repéré à la fin des années 1970 par Jacques Attali, qui l’a fait rentrer dans l’équipe de campagne de François Mitterrand comme conseiller économique, il est chargé de mission à l’Elysée, puis directeur de cabinet de deux porte-parole du gouvernement, Max Gallo et Roland Dumas. Dans l’appareil socialiste, il n’apparaît pas comme étant lié à un courant particulier. Peu porté sur ces querelles de tendances, il a d’ailleurs fondé avec quelques amis les « transcourants ». Au congrès de Rennes, il soutient la motion Mauroy-Mermaz-Jospin sans trop s’exposer. En 1993, il prend la présidence du « Club témoin » de Jacques Delors. Et, après le renoncement de ce dernier, a la sagesse de se rapprocher de Lionel Jospin qui en fait l’un de ses porte-parole de campagne lors de la présidentielle contre Chirac.
C’est donc un porte-parole un peu falot et dépourvu encore de fief (en 1997 il est élu député de Corrèze, siège qu’il avait conquis en 1988 et perdu en 1993), qui prend les rênes d’un PS dont le véritable patron occupe Matignon. Il ne le deviendra qu’à la suite - la faveur ? - de l’élimination et du retrait de la vie politique de Lionel Jospin, le 21 avril 2002. Un événement vécu par François Hollande et ses amis avant tout comme une péripétie et un accident de carrière qu’il va habilement gérer pour installer son pouvoir et recentrer le PS.
Dans le récit qu’il donne de ses onze ans à la tête du PS, le député et président du conseil général de la Corrèze ne dit rien (ou presque) de sa responsabilité dans l’échec des socialistes aux trois dernières élections présidentielles et à deux législatives. Mais il se flatte d’avoir redressé le parti, maintenu l’unité des socialistes et accru son nombre d’adhérents et d’élus grâce aux succès électoraux des européennes (2004), régionales (2004), cantonales (2004 et 2008) et municipales (2008). Oubliée l’inversion du calendrier électoral, imposée au parti sans réel débat au congrès de Grenoble en 2000 (avec l’appui total de Lionel Jospin), qui a considérablement renforcé la présidentialisation de la Ve République quand les projets institutionnels du PS défendaient le contraire. Oubliées aussi les conséquences du « Oui » au traité constitutionnel européen (TCE) : un PS durement divisé, faisant un choix opposé à celui de ses électeurs et entraînant une cassure durable de l’unité de la gauche… Comme si tout cela n’avait jamais existé.
Et quand François Hollande décide d’abandonner sa fonction à l’automne 2008, c’est avec la triple conviction qu’après ses victoires locales, le PS ne peut connaître que des revers, que le parti est menacé « d’ingouvernabilité » , et que les militants le regretteront vite. Le calcul était erroné. Mais en partie seulement. Car si le député de Corrèze, qui ne cache son intention de briguer l’investiture présidentielle voit sa cote remonter, il le doit autant à l’agacement que suscite les atermoiements de DSK qu’à ses bonnes relations avec les cadres intermédiaires et les barons du parti. « Il incarne ce que Martine Aubry n’arrive pas à incarner : la bureaucratie du PS » , analyse Jean-Luc Mélenchon qui rappelle que, premier secrétaire, il n’a eu de cesse de « cajoler les préfets du parti » dont beaucoup sont devenus conseillers régionaux. Depuis son règne, les premiers secrétaires fédéraux (comme les secrétaires de section et lui-même) sont élus au scrutin uninominal, après la tenue du congrès et indépendamment de la motion d’orientation qu’ils ont pu porter. Ils siègent de droit au conseil national. Ces deux dispositions avaient pour objectif d’annuler le poids des textes et des motions d’orientation. Avec un succès certain. Sans cela, François Hollande n’aurait pas pu exclure Laurent Fabius des instances dirigeantes du parti, le 4 juin 2005, au lendemain de la victoire du « non » au TCE. Cette décision bureaucratique destinée à imposer définitivement la ligne de la social-démocratie européenne, pourtant désavouée par les électeurs, n’était pas majoritaire dans le collège traditionnel du conseil national, composé exclusivement de représentants des courants.
Cette dépolititisation organisée était aussi sa marque au bureau national. « Sous Jospin on faisait de la politique. Avec Hollande, les séances alternaient entre la bouffonnerie et les lectures du *Monde** , se souvient Pascale Le Néouannic, aujourd’hui au Parti de gauche. *Tout était matière à faire de l’humour. » Une arme dont François Hollande use et abuse pour disqualifier ses contradicteurs ou leurs arguments afin d’évacuer tout débat. Ce trait de comportement lui a valu d’être qualifié de « sophiste » par Jean-Luc Mélenchon. Lorsque ce dernier lui fait part de ses doutes sur l’intérêt d’avoir un socialiste à la tête du Fonds monétaire international (FMI), Hollande lui répond : « Tu préfères que ce soit un libéral qui dirige le FMI ? » Argument imparable mais relativement léger. Aujourd’hui encore c’est en comparant un candidat déclaré et présent à un candidat hésitant et absent que François Hollande vend encore le mieux sa candidature. Un peu court.