Le retour des salopes

Le centre d’IVG de l’hôpital Tenon, à Paris, pourrait bientôt rouvrir. Une première victoire pour le collectif qui se bat depuis sa fermeture il y a 18 mois.

Noëlle Guillon  • 27 janvier 2011 abonné·es
Le retour des salopes
© Photo : MULLER / AFP

Elles se réunissent dans une maison associative du XXe arrondissement de Paris. Elles sont jeunes : étudiantes, militantes de partis ou simples habitantes du quartier. Ou moins jeunes : certaines sont dans la lutte pour le droit à l’avortement depuis les années 1970. L’une d’elles était signataire du Manifeste des 343 salopes. Depuis sep­tembre 2009, elles forment un mouvement unitaire pour exiger la remise en route du centre d’interruption volontaire de grossesse (CIVG) de l’hôpital Tenon, situé dans l’arrondissement. Elles viennent d’enregistrer leur première victoire : il est question d’une réouverture…

« En juillet 2009, le centre a fermé sans même que les médecins du quartier soient informés. Les femmes qui se présentaient ne trouvaient qu’un mot sur la porte , raconte Jeanine Leroux, membre du collectif. Nous avions une association défendant le droit des femmes dans le XXe, nous avons décidé de porter cette lutte en créant un collectif. » C’est une infirmière scolaire, Christine, qui a donné l’alerte. « J’envoyais environ une jeune fille par mois dans ce centre. Lorsque j’ai appelé en septembre 2009 pour préparer le travail à mener en commun, notamment en matière d’information sur la contraception, on m’a simplement signifié la fermeture du centre… Une catastrophe, car les jeunes du quartier, très défavorisés, sont peu informés sur la sexualité et la contraception. Les avortements se faisaient le plus souvent en catimini, sur les heures de cours. Le facteur de proximité entre chez eux et ce centre était crucial. »

À l’origine de la fermeture : la restructuration de l’hôpital public prévue par la loi Bachelot. « Depuis deux ans, le centre était en sursis, avec une activité en baisse et la volonté de reporter l’activité sur l’hôpital Trousseau, dans le XIIe. Or, avec 800 IVG pratiqués à Tenon chaque année, ce report était impossible , souligne Patrice Lardeux, infirmier et secrétaire de la CGT Tenon. Nous, hospitaliers, avons soutenu le collectif, mais il importait que l’impulsion soit portée par les citoyens. »

La mobilisation a été sans faille. Occupation de la maternité de Tenon, manifestations entre les hôpitaux Tenon, Trousseau et Saint-Antoine, pétition de 8 000 signatures… Le mouvement a pris dans tout l’Est parisien. « Nous avons affronté quelque chose de très vicieux. La fermeture de centres IVG remet en cause le droit des femmes ! » , s’indigne Jeanine Leroux. Le combat a fini par payer : la directrice de l’hôpital a confirmé la prochaine réouverture du centre. Pour autant, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne communique pas encore sur une date et sur les missions du centre. « Nous n’allons pas lâcher le combat. On ne veut pas d’un centre au rabais » , assure Jeanine Leroux. Le collectif, qui doit être reçu début février par la direction de l’hôpital, prépare des propositions. « Que doit être un centre IVG ? Un véritable accueil, avec une équipe dédiée et formée. Même si le sujet est encore tabou et que l’activité est dépréciée, c’est possible ! Et, surtout, nous voulons que les femmes aient encore le choix de la méthode : aujourd’hui, on privilégie l’approche médicamenteuse, même au-delà des délais raisonnables, pour des questions de coûts liés à l’hospitalisation » , regrette Josée Pépin, du collectif. Une victoire prudente donc, même si Tenon est devenu le symbole du renouveau des luttes féministes.

Société
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