Mediator : médicaments, la crise de foi

Le scandale du Mediator remet en cause toute la chaîne de la pharmacovigilance. Premiers responsables, d’après le rapport de l’Igas paru le 15 janvier : le laboratoire Servier et l’Agence française de sécurité sanitaire.

Ingrid Merckx  • 20 janvier 2011 abonné·es
Mediator : médicaments, la crise de foi
© Photo : Melnikov / RIA NOVOSTI

Les têtes tombent dans le scandale du Mediator. Le 15 janvier, l’Inspection générale des affaires sanitaires (Igas) a rendu un rapport concluant à la responsabilité du laboratoire Servier et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dans la commercialisation du médicament, qui a entraîné de 500 à 2 000 morts en trente ans.

« Le déroulement des événements relatés dans ce rapport est très largement lié au comportement et à la stratégie des laboratoires Servier » , tranche l’Igas, qui ajoute qu’ils ont « roulé dans la farine » les acteurs de la chaîne. Par une série de truchements sur la nature de la molécule et sur son nom (benfluorex, un anorexigène), Servier a réussi à contourner les obstacles à sa mise sur le marché dès 1976. Puis en 1995, alors que les autres molécules de sa classe en étaient écartées, et en 1999, alors que son retrait était rendu possible. Mise en cause du processus d’autorisation de mise sur le marché (AMM), de la politique de remboursement, non-application du principe de précaution et pouvoir d’un industriel : c’est toute la chaîne du médicament et de la pharmacovigilance qui est remise en question dans un pays où le secteur est florissant.

Pour combien de temps ? L’affaire pourrait déboucher sur une crise de confiance à l’égard du médicament, mais aussi de certains experts ou médecins « sous influence » . Des « anomalies majeures ont été identifiées » , selon l’Igas, auxquelles il faut ajouter « le poids des liens d’intérêts » . Le ­ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a annoncé le 15 janvier qu’un projet de réforme de la pharmacovigilance serait déposé avant la fin de l’année. Le lendemain, il a déclaré avoir « une part de responsabilité » dans l’affaire et a souhaité être entendu ainsi que ses prédécesseurs. L’Igas rappelle qu’Élisabeth Guigou, Bernard Kouchner et Jean-François Mattei ont été saisis d’une demande de baisse du taux de remboursement du Mediator. Mais elle exonère les ministres de responsabilité quant aux risques. De même, elle estime qu’aucun des directeurs généraux de l’Afssaps « n’a été informé de manière correcte sur le sujet » . Par ailleurs, elle ne qualifie pas les pressions subies par ses membres. Sa mission – six semaines de travail, une centaine d’auditions, quarante ans de documents – devait se limiter à l’exercice d’organismes ou de fonds publics. C’est pourquoi elle n’a convoqué ni les responsables politiques ni ceux du laboratoire Servier. Mais le scandale du Mediator fait actuellement l’objet de missions d’information parlementaires lancées au Sénat et à l’Assemblée en décembre. Par ailleurs, l’UFC-Que choisir et l’Association française des diabétiques ont déposé une plainte contre X et entamé un combat pour l’indemnisation à 100 % des victimes.

Comment éviter la reconduction de tels drames ? Le 13 janvier, Que choisir et l’AFD ont rappelé qu’il était urgent de limiter le pouvoir de l’industrie pharmaceutique, de réformer l’AMM, de lutter contre les conflits d’intérêt et de reconnaître aux patients, aux médecins et aux associations un « droit d’alerte » et une forme « d’expertise profane » .

Société
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Au procès de Christophe Ruggia, la colère d’Adèle Haenel, « cette enfant que personne n’a protégée »
VSS 11 décembre 2024 abonné·es

Au procès de Christophe Ruggia, la colère d’Adèle Haenel, « cette enfant que personne n’a protégée »

Accusé par l’actrice de lui avoir fait subir des agressions sexuelles entre ses 12 et ses 15 ans, le réalisateur était jugé au tribunal correctionnel ces 9 et 10 décembre. Un procès sous haute tension qui n’a pas permis de rectifier les incohérences du prévenu. Cinq ans de prison dont deux ans ferme aménageables ont été requis.
Par Salomé Dionisi
À l’instar d’Utopia 56, la criminalisation de l’aide aux personnes exilées s’accentue
Solidarité 10 décembre 2024

À l’instar d’Utopia 56, la criminalisation de l’aide aux personnes exilées s’accentue

Alors que l’association d’aide aux personnes réfugiées est visée par trois enquêtes pénales portant sur ses actions à la frontière franco-britannique, deux rapports alertent sur la volonté de criminaliser les associations d’aides aux personnes exilées et leurs bénévoles.
Par Élise Leclercq
Réfugiés syriens : des pays européens suspendent les demandes d’asile
Asile 9 décembre 2024 abonné·es

Réfugiés syriens : des pays européens suspendent les demandes d’asile

Après la chute du régime de Bachar al-Assad, l’incertitude de la situation en Syrie pousse plusieurs pays européens, dont la France, à suspendre les dossiers des réfugiés syriens.
Par Maxime Sirvins
Quitter ou ne pas quitter X/Twitter ? Le dilemme des médias indépendants
Médias 9 décembre 2024 abonné·es

Quitter ou ne pas quitter X/Twitter ? Le dilemme des médias indépendants

Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, le réseau social renommé X divise les médias et plus particulièrement depuis la réélection de Donald Trump : rester pour informer ou abandonner une plateforme jugée toxique ? Un choix qui engage leur rôle face à la désinformation et à l’extrême droite.
Par Maxime Sirvins