Cent soixante-cinq kilomètres
dans l’hebdo N° 1140 Acheter ce numéro
Sarkozy met parfois de la distance, entre lui et la vérité. Ce n’est pas complètement nouveau : nous parlons ici, n’oublions pas, de l’homme qui naguère nous promit que la République, sous lui, serait « irréprochable [^2] ». Mais depuis que d’aucun(e)s l’ont mis dans l’Élysée, il erre des fois si fort que même la presse, qui l’adula, convient désormais que son nez peut d’un seul coup s’allonger de cent soixante-cinq kilomètres – comme quand il narre sur Facebook ses combats d’antan, genre, ouaip, mâme Dupont, j’étais dans Berlin quand on démura le coin [^3].
Mais, par une étrange mutation, les mêmes qui défont dans la presse ses plus voyants bobards se tiennent soudain silencieux quand il faudrait montrer qu’il usine aussi de plus contournées tricheries.
Ainsi, le 8 février dernier, Sarkozy, dans sa conclusion d’un colloque sur la dépendance, raconte qu’il voudrait bien que « toutes les options possibles » soient envisagées, pour le financement de ladite, et qu’il faut, surtout, « n’écarter » , pour l’assurer, « aucune solution » – et qu’il n’est donc pas « raisonnable » du tout « de ne pas s’interroger sur le rôle que peuvent jouer » dans ce financement « les compagnies d’assurances » et autres « organismes » privés « de prévoyance » .
Donc : le gars suggère, tout en faisant comme s’il ne s’agissait que d’une possibilité parmi plein d’autres (mais sans évoquer celle, de bon sens, qui serait de grièvement taxer le capital), qu’on prépare dès maintenant la privatisation de l’assurance-maladie – sur le dos, large, des personnes dépendantes, parce que bon, c’est bien joli, de vouloir de l’hygiène après nonante années, grand-père, mais pas de sous ? Pas de couches.
Puis, tout de suite après, le (même) gars, du même sincère ton qu’il avait mis naguère dans sa promesse qu’il serait « le président du pouvoir d’achat » [^4], promet qu’il n’a, bien sûr, aucune « intention d’utiliser la dépendance pour privatiser insidieusement l’assurance-maladie » – aaaaallons, aaaaallons, que va-t-on s’imaginer là ?
La presse narre-t-elle que son nez s’allonge alors de quarante-sept milles nautiques ?
Nenni – car nos plus raffinés clercs de médias rêvent, comme lui, qu’on en finisse avec les survivances du servicepublicolithique, et qu’on réforme, enfin, comme on a fait pour les retraites, l’assurance-maladie.
En somme, l’éditocratie prend des mines pincées quand les menteries du sarkozysme deviennent trop folkloriques, mais elle s’accommode parfaitement de ses boniments, dès lors qu’ils sont au service d’une plus achevée soumission de la plèbe aux dures mais justes lois du marché – et au fondement du moule d’où sort aussi le nouvel objet de son adulation : DSK, bien sûr.
[^2]: Entre ici, Patrick Balkany !
[^3]: C’est moi que j’ai bouté le rouge loin de Check-point Charlie Bauer, et quand j’apparus, croyez-m’en : ça se débanda velu, dans l’infanterie communiste.
[^4]: Entre aussi, Liliane Bettencourt, y a de la place pour plein.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.