Dernier échauffement avant 2012

Scrutin peu mobilisateur, les cantonales des 20 et 27 mars ont des enjeux locaux et nationaux pour lesquels la gauche, surtout, va tenter de mobiliser les électeurs.

Michel Soudais  • 3 février 2011 abonné·es
Dernier échauffement avant 2012
©Même si le compteur commence à se ralentir, le succès est considérable. Quelque 313 000 signataires ont adhéré à notre démarche pour exiger un référendum sur les retraites. Politis propose la tenue prochaine d’une conférence de presse au cours de laquelle une initiative sera annoncée. Un constat tout de même : une pétition qui recueille 313 000 signataires, ce n’est pas si courant. Et pourtant, celle-ci, qui a fait l’objet de notre côté d’un certain nombre de communiqués, n’a rencontré pour l’instant dans la presse qu’un silence assourdissant…

Ils courent la campagne. Qui ? Les candidats aux cantonales. Ils ont commencé à investir marchés et préaux d’écoles. Histoire de réveiller des électeurs qui, dans leur immense majorité, ignorent jusqu’à la date du vote et s’ils devront voter. Car les 20 et 27 mars, seuls la moitié d’entre eux sont appelés à élire leur conseiller général, les assemblées départementales étant renouvelables par moitié tous les trois ans. S’il atténue fortement les effets d’un retournement de l’opinion, ce mode de scrutin n’a pas empêché la gauche de gagner régulièrement de nouveaux départements. À la tête de 21 conseils généraux seulement en 1994, elle en préside 58 depuis 2008 et peut escompter en ravir entre 3 et 12 à la droite, qui n’espère pouvoir en reprendre que 9, dans le meilleur des cas.

Ce faible suspense, allié à une méconnaissance des compétences des départements, ne favorise pas la mobilisation des électeurs. Les conseils généraux sont pourtant à la tête de budgets plus importants que les conseils régionaux et agissent dans des domaines touchant le quotidien. C’est ainsi que le département définit et met en œuvre la politique d’action sociale à destination de l’enfance, des handicapés et des personnes âgés ; il a la charge de l’insertion sociale et professionnelle (RSA), de l’aide au logement, de la protection judiciaire de la jeunesse et de la protection sanitaire de la famille. Le département a aussi compétence sur l’aménagement de l’espace et l’équipement (voirie, transports routiers non urbains de personnes, ports de commerce et de pêche, cours d’eau…), l’éducation (construction, équipement et fonctionnement des collèges), la culture et le patrimoine. Enfin, il peut conduire des actions économiques et, en accord avec la Région, mettre en œuvre ses propres régimes d’aide aux entreprises.

À ces enjeux locaux, s’ajoutent des enjeux plus nationaux. Les cantonales pourraient influer sur un basculement à gauche du Sénat en septembre. Dernier scrutin national avant 2012, elles constituent surtout pour la gauche, après l’important mouvement social de l’automne contre la réforme des retraites, une nouvelle occasion de sanctionner l’UMP. Et de mettre Nicolas Sarkozy en mauvaise posture avant l’échéance présidentielle de 2012.

Craignant un nouveau vote sanction, l’UMP fait le dos rond en misant davantage sur une campagne locale et active sur le terrain. Ses candidats, qu’elle a eu du mal à trouver – à la mi-janvier il en manquait encore quatre cents –, ne sont d’ailleurs pas trop enclins à se réclamer d’un gouvernement dont les décisions budgétaires étranglent financièrement les départements. Un gouvernement qui a de plus programmé la fin des conseillers généraux en 2014. Le parti présidentiel se contentera donc d’épauler les candidats par la fourniture de documents (affiches, tracts…) et d’éléments de politique nationale, sur des thèmes comme la sécurité, la réorganisation territoriale, ou la dépendance et le cinquième risque. À charge pour eux d’adapter le message électoral aux spécificités de leurs cantons. Si la droite « en fait le moins possible pour mobiliser, c’est pour éviter un vote sanction de populations plus jeunes et actives » , analyse Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion.

La mobilisation électorale est a contrario le premier enjeu des forces de gauche. Du PS au Front de gauche en passant par Europe Écologie-Les Verts (EELV), toutes sont convaincues de la nécessité de réveiller les électeurs. D’autant que ce sera la première fois depuis une vingtaine d’années que ce scrutin ne sera jumelé avec aucun autre. En 1998, dernière fois où des cantonales avaient été organisées seules, il y avait eu près de 51 % ­d’abs­tention. Dimanche, Martine Aubry a donc choisi de lancer la campagne en grande pompe à Paris. Devant quelque 2 500 secrétaires de section, la patronne du PS a fixé les quatre priorités du « contrat socialiste » pour les départements : emploi, services publics, personnes âgées et éducation.

Le Front de gauche entend lui aussi faire de ce scrutin un tour de chauffe pour 2012, affirmer son existence et un certain élargissement. Selon un pointage non encore définitif, le PCF, le Parti de gauche et la Gauche unitaire présenteront des candidats communs dans les trois quarts des départements, soit un nombre plus important qu’aux régionales. Dans dix-sept d’entre eux, dont la Charente-Maritime, le Cher, la Dordogne ou la Sarthe, ces candidatures se sont élargies à la Fédération pour une alternative sociale et écologique ou des groupes alternatifs locaux. Dans quatorze autres, dont les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes ou les Alpes-Maritimes, des accords ont été passés avec le NPA, parfois partiels comme dans les Hauts-de-Seine. Mais les discussions entre les partenaires du Front de gauche ont été rudes. Dans huit départements, le PCF fait cavalier seul, soit par refus du Front de gauche (Seine-Maritime), soit pour s’allier au PS dès le premier tour (Somme). La situation est tendue dans une quinzaine d’autres.

Même souci d’affirmer son implantation chez EELV, qui aura 1 500 candidats sur les 2 023 cantons, et espère une centaine d’élus (24 actuellement). « C’est la première fois qu’on est capables de présenter autant de candidats, ça montre qu’Europe Écologie-Les Verts est passé à une autre dimension » , souligne Jean-Marc Brûlé, délégué aux élections. Qui note que des accords avec le PS, souvent partiels, ont été passés dans un quart des départements. C’est le cas dans l’Essonne, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, où ces ententes de premier tour visent clairement à battre des élus sortants, membres du PCF ou du PG. Un an avant la présidentielle, l’union de la gauche a encore du plomb dans l’aile.

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