Le cri de la victoire
dans l’hebdo N° 1140 Acheter ce numéro
À 17 heures, ce vendredi 11 février, alors que le jour tombe sur le palais présidentiel, une clameur s’élève de la foule des insurgés. Un hurlement libérateur suivi de quelques secondes d’hésitation pendant lesquelles, pendus à leurs mobiles, les insurgés attendent confirmation. « Allah Akbar ! » , reprennent en chœur les manifestants. Le raïs est tombé. Après
dix-huit jours de mobilisation, les insurgés du Caire ont fini par l’emporter. Il y a quelques minutes, à la télévision, Omar Souleiman, le vice-président, a annoncé la démission d’Hosni Moubarak. Le printemps du Caire se mue en révolution. Le 11 février devient le jour de la deuxième révolution égyptienne. Et la deuxième du monde arabe en presque un mois. Devant le palais et sur la place Tahrir, où se sont rassemblés des centaines de milliers d’Égyptiens, c’est l’explosion. Dans un concert de klaxons, on pleure, on danse, on embrasse le sol. Des dizaines de cortèges gigantesques se sont formés aux quatre coins de la capitale. Direction : Tahrir, bien sûr. La place de la Libération, devenue le symbole du printemps égyptien, sera donc le théâtre de la célébration. Les cortèges s’étendent à vue d’œil. Des centaines de personnes, drapeaux au poing, descendent des immeubles pour rejoindre ces défilés de la victoire. Par les fenêtres, des femmes jettent des bouteilles d’eau et des gâteaux. Feux d’artifice et lance-flammes éclairent cette fête gigantesque qui se poursuivra jusqu’au matin. À mesure que nous approchons du centre de la capitale, l’ambiance est de plus en plus survoltée. Le monde entier semble vouloir rejoindre la place Tahrir. Des voitures garées en travers de la chaussée servent d’estrade à des femmes qui haranguent les passants, au son des derboukas. Au loin, au-delà de la foule de plus en plus compacte, on aperçoit la place. Mais impossible d’avancer entre les danseurs et les drapeaux qui recouvrent les insurgés en liesse. Peu importe, ce soir, c’est dans le pays entier que les Égyptiens célèbrent la chute du raïs.