Se protéger de la contagion des lobbies
Le scandale du Mediator a révélé l’influence néfaste des intérêts financiers et privés sur notre santé. Lanceurs d’alerte, associations ou fondations citoyennes tentent de démocratiser la recherche et l’expertise. Seule solution : maintenir le marché à distance de la médecine et des agences sanitaires.
dans l’hebdo N° 1141 Acheter ce numéro
L’industrie pharmaceutique est-elle toute-puissante ? Le scandale du Mediator a révélé les carences des agences sanitaires censées contrôler les médicaments commercialisés. Elles sont elles-mêmes largement noyautées par les conflits d’intérêts et entravées par des dysfonctionnements. Tout cela est le résultat d’un cercle vicieux : la recherche publique n’est plus assez financée, elle se tourne vers le privé, qui gagne en influence. Il s’agit davantage d’un pouvoir financier que d’un « biopouvoir » opaque, mais le terme, lancé dans les années 1970, refait aujourd’hui surface, désignant ces experts qui, de labos en agences, dictent la vérité. Ces scientifiques sont souvent devenus juges et parties dans l’avenir d’une molécule ou d’une technique. Avec les conséquences que l’on sait.
Face aux lobbies, certains réclament plus de pouvoirs publics et de transparence, de la déontologie dans l’expertise, des droits pour les lanceurs d’alerte, une participation citoyenne aux décisions, une information fiable et une formation médicale à l’avenant. Les contre-pouvoirs existent, mais le rapport de force reste en faveur des firmes. Problème politique et structurel : en France, tant qu’on n’a pas de certitude concernant la nocivité d’une innovation ou d’une substance, on ne la retire pas du marché. Alors, à qui faire confiance ? Pourquoi la grande majorité des études scientifiques ne sont-elles pas prises en compte ? Reste-t-il des experts indépendants ? Comment seront contrôlées la médecine et la génétique de demain ? Sauf scandale (grippe A H1N1 ou Mediator), les indignations sont rares, notamment en matière d’éthique. Pourtant, il s’agit de notre santé et de celle de nos proches. La révision des lois de bioéthique qui s’est achevée à l’Assemblée mi-février débouche sur un quasi-statu quo. « On n’empêche pas le progrès »… Avec le développement de la biomédecine, des scientifiques tentent de mettre en garde contre les dérives scientistes. À leurs risques et périls : mépris, éviction, menaces. Derrière chaque affaire, des corporatismes, une réticence à changer les pratiques et des pressions, surtout, exercées par des firmes qui imposent leurs normes. Souvent à notre insu.
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