La vérité sur le modèle allemand
L’exemple allemand est souvent cité comme un modèle de croissance et de santé sociale. Si les chiffres sont justes, ils cachent une forte pression sur les salaires et la protection sociale. Petit exercice de comparaison entre le système français et celui de son voisin.
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La croissance de l’économie allemande a atteint 3,6 % en 2010. À côté, la France et ses 1,6 % font pâle figure. Envieux, notre gouvernement prend l’exemple allemand à tout-va, pour justifier l’existence du bouclier fiscal, ou sa suppression, ou encore faire disparaître l’impôt sur les grandes fortunes. Le Medef aussi aime Berlin, pour faire passer une baisse des charges sociales. Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde, Laurence Parisot le répètent depuis des mois : l’Allemagne est plus compétitive que la France, il faut la prendre en exemple. Notre voisin s’est certes plus vite relevé de la crise, grâce notamment au chômage partiel, qui a permis de conserver les emplois.
Ceux des salariés en CDI en tout cas. Car beaucoup des 800 000 intérimaires d’avant la crise se sont retrouvés sur le carreau. Aujourd’hui, ils sont près d’un million à travailler pour parfois bien moins cher que leurs collègues, sans revenu minimum garanti. Le miroir allemand, derrière ses réussites économiques et son excédent commercial exceptionnel, c’est aussi plus de 2 millions de salariés à moins de 6 euros de l’heure.
L’évolution démographique allemande est également alarmante, avec un taux de natalité à 1,36 enfant par femme et une population en recul. La menace sur les retraites s’en fait plus lourde. Le relèvement de l’âge légal de départ en retraite sera progressif à partir de 2012 pour atteindre 67 ans en 2029. Face à cette quasi-débâcle sociale, la gauche et les écologistes sont en position de reprendre du terrain. Les Verts pourraient même gouverner la capitale, portés par le vent de contestation antinucléaire qui a suivi la décision du gouvernement de garder en fonction les 17 centrales du pays. L’Allemagne de 2011, ce sont aussi neuf régions de l’ex-RDA où le niveau de vie et de salaires demeure bas, deux décennies après la chute du mur. Un détail régulièrement oublié par les chantres de la comparaison entre la France et l’Allemagne.
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