Le mauvais procès fait aux Mapuches
Quatre Indiens mapuches accusés de « terrorisme » ont finalement été condamnés à deux ans de prison pour « intention d’homicide ». Une procédure visant à museler leur mouvement, estiment leurs défenseurs.
dans l’hebdo N° 1142 Acheter ce numéro
Hector Llaitul et trois de ses compagnons ont été condamnés lundi à deux ans de prison pour « intention d’homicide » par le tribunal de Cañete, à 630 km au sud de Santiago. L’incrimination de terrorisme n’a finalement pas été retenue contre cet Indien mapuche accusé, avec seize autres personnes, d’association terroriste pour vol de bois à une entreprise forestière, d’attaque préméditée et d’intention homicide sur la personne d’un procureur, Mario Elgueta. Selon son avocat, Pablo Ortega, la faute qu’il a commise est surtout d’être l’un des hauts dirigeants du mouvement le plus actif de récupération des terres ancestrales mapuches [^2]. « Ce procès vise uniquement à désarticuler le mouvement mapuche et à faire taire ses principaux leaders, souligne-t-il. On tente ici de stigmatiser le peuple mapuche comme un ennemi de l’État. »
Les Mapuches forment la principale ethnie du Chili, représentant près de 10 % de la population. L’État s’est peu à peu approprié leurs terres, ne leur laissant que des miettes. Depuis une vingtaine d’années, une minorité d’entre eux luttent pour la restitution de ces terres intrinsèquement liées à leur culture.
« Dans ce procès , explique Fernando Lira, de l’association Liberar, qui assistait judiciairement les accusés, les seules preuves tangibles présentées par le ministère public sont des égratignures du procureur Mario Elgueta à la main et à la tête. » Sur les 36 témoins anonymes présentés par l’accusation, 3 ont avoué leur ignorance des faits.
Selon Mireille Fanon-Mendès France, de l’Association internationale des juristes démocrates, qui a assisté au début du procès : « Le juge et les procureurs ont commis intentionnellement le délit de subornation de témoins puisqu’ils ont obtenu des déclarations mensongères en usant d’offres. […] Le but essentiel est de museler la défense et de faire définitivement passer les militants mapuches pour des terroristes auxquels doit s’appliquer une loi hors cadre. »
La loi antiterroriste date de la dictature d’Augusto Pinochet. Elle permet de mener secrètement l’instruction, les avocats de la défense n’y ayant accès que deux à trois mois avant le procès, de cacher l’identité des témoins, de payer ces témoins, de rallonger de six mois à deux ans la prison préventive et de prononcer des condamnations très lourdes.
Malgré la faiblesse de l’accusation, qui a mené à la relaxe de 13 prévenus, les 17 Mapuches ont croupi en prison préventive pendant près de deux ans pour certains. « C’est une stratégie systématiquement appliquée , explique Fernando Lira. Appliquer cette loi permet d’enfermer les Mapuches sans preuves et de laisser, pendant ce temps, les industries forestières, minières et touristiques se développer à leur guise dans la région. »
Le verdict tombé lundi en première instance est une victoire pour la défense. Les avocats des quatre condamnés ont décidé de faire appel.
[^2]: La Coordination Arauco-Malleco.