Menaces ou intox ?
L’exemple italien montre la tentation de certains gouvernants de jouer sur la peur pour faire reculer les libertés.
dans l’hebdo N° 1143 Acheter ce numéro
Qui a oublié le fameux « nous allons terroriser les terroristes » de Charles Pasqua, en 1986, alors qu’il était ministre de l’Intérieur et annonçait ainsi l’adoption prochaine de la première brouette de mesures sécuritaires ? Qui a oublié les déclarations de la si célèbre « MAM », elle-même locataire de la place Beauvau en 2008 (conseillée alors par le spécialiste « ès menaces » Alain Bauer), sur la dangereuse « bande de Tarnac » et la mouvance de l’« ultragauche anarcho-autonome » prête à toute la violence du monde pour abattre notre modèle-de-démocratie (par ailleurs « experte en maintien de l’ordre » ) ? Il s’agissait d’abord de faire peur. Au « Français moyen ».
On sait depuis la fin des années 1960 en Italie combien la construction d’une menace et d’un « sentiment d’insécurité » diffus – même au moyen de véritables attentats aveugles montés de toutes pièces – peut être tentante pour des gouvernements disposés à discréditer à tout prix leurs adversaires et à attiser dans leurs populations un désir de pouvoir autoritaire. Cette « stratégie de la tension » a eu cours pendant plus d’une quinzaine d’années de l’autre côté des Alpes et a sans aucun doute fait des émules en Amérique latine ou sous d’autres latitudes, au nom de la lutte contre la « subversion communiste »…
Aujourd’hui, sans nier l’existence et les dangers de véritables mouvements terroristes, notamment fondamentalistes, les pouvoirs exécutifs un peu partout dans le monde ne cessent d’abreuver leurs opinions publiques des dangers qu’ils représentent pour mieux empiler lois liberticides, fichiers en tout genre (voir l’article page 10 sur l’actuel fichage ADN des syndicalistes français), techniques de surveillance et dispositions sécuritaires exceptionnelles réduisant les droits de la défense et/ou du pouvoir judiciaire. Il faut reconnaître au juge Trévidic d’avoir conscience d’être en première ligne pour tenter de résister à cette dérive autoritaire qui menace, cette fois bien réellement, les libertés publiques. Et l’indépendance de la justice.