Paul Ariès : «Contre la barbarie qui vient…»

Paul Ariès présente les objectifs du prochain
« contre-Grenelle » et fustige le capitalisme vert.

Paul Ariès  • 17 mars 2011 abonné·es

Un troisième contre-Grenelle est organisé le 2 avril à Vaulx-en-Velin (69) sur le thème « Décroissance ou barbarie ». Le choix de la ville la plus pauvre du département est un enjeu politique car les plus modestes seront les premières victimes de l’effondrement environnemental.
Les bonnes âmes vont ânonnant que croissance et décroissance ne seraient pas antagonistes : faisons décroître ce qui est mauvais et laissons croître ce qui est bon… Les objecteurs de croissance ont l’esprit têtu : oui, la décroissance doit être équitable et sélective, mais nous devons avoir le courage politique d’ajouter que cette décroissance équitable et sélective doit se faire dans un contexte global de décroissance.

Le premier contre-Grenelle, organisé en octobre 2007 alors que tout le monde applaudissait à l’initiative Tsarkozyste, avait montré que cette OPA inamicale de la droite et des milieux d’affaires sur l’écologie était une mascarade destinée à préparer le terrain à un capitalisme vert (terme inauguré à cette occasion) dévastateur. Les faits nous ont donné raison… Le Grenelle n’a satisfait que les productivistes.

Le deuxième contre-Grenelle, organisé en 2009, était un appel lancé à la mouvance écolo alors que nous voyions les premiers signes du basculement vers une écologie libérale. Son slogan – « Il faut sauver l’écologie politique » – était une mise en garde prémonitoire contre l’écologie libérale symbolisée notamment par les frères Cohn-Bendit. De même que le banquier du FMI ne peut être un symbole de la gauche, « l’hélicologiste » salarié de TF 1 ne peut être un symbole de l’antiproductivisme.

Le troisième contre-Grenelle haussera encore le ton puisque nous avons maintenant assez de recul pour être certains que nous allons vraiment dans le mur. Cette barbarie qui vient a plusieurs visages. Cette hydre est d’autant plus redoutable qu’elle dévore à la fois la Terre et l’humain. Osons le dire : la question n’est plus seulement de savoir quelle Terre nous léguerons à nos enfants, mais aussi quels enfants nous laisserons sur cette planète ravagée. Nous sommes véritablement sur le point de dépasser une série de seuils irréversibles dans les secteurs environnemental, social, politique, culturel, psychique…

Considérons trois exemples. L’effondrement culturel est remarquable dans la généralisation d’une « basse culture », produit des systèmes éducatifs, et de la TV-écrans-lobotomisation.

L’effondrement psychique est le fait d’enfants auxquels ce monde n’offre plus la possibilité de se structurer, de grandir, en raison de sa vitesse, de la place accordée à la marchandise et de la machine technoscientiste. L’effondrement est aussi politique avec la crise de la démocratie, dont témoignent l’augmentation de l’abstentionnisme (et pire encore de l’indifférence) mais aussi l’inanité des projets politiques et leur décalage par rapport à la montée en puissance de l’oligarchie.

Personne ne peut plus nier l’ampleur de la crise, mais, alors que l’humanité va connaître le plus important changement global de son histoire, le choix du chaos est assumé par les puissances de l’argent. Le capitalisme vert veut adapter la planète aux besoins du productivisme, avec notamment la géo-ingénierie. Il veut aussi adapter l’humanité elle-même, en habituant les gens à croire que le problème serait démographique, que nous n’avons donc pas à avoir de fausse pudeur à sacrifier l’Afrique avec nos agrocarburants, nos activités trop gourmandes en eau, nos émissions de CO2. Deuxième façon d’adapter l’humanité aux fantasmes du système productiviste : la biométrie, la radio-identification (RFID), le diagnostic préimplantatoire (DPI), l’assistance médicale à la procréation. Troisième façon : le transhumanisme, qui fait des adeptes à droite (Alain Madelin) comme à gauche (Jacques Attali).
Face à ces délires, mais aussi à ces possibilités, nous disons de façon solennelle : « Pas touche à la planète ! », « Pas touche à l’humanité ! »

Sachez que, face à vos visées meurtrières, nous combattrons pour défendre une « Terre-pour-l’humanité ». Oui, Gaïa peut se passer de nous, mais Gaïa sans nous ne nous intéresse pas. Oui, le système pourrait sans doute faire vivre quelques centaines de millions de surhommes dans un univers déprécié, mais notre rêve n’est pas celui de Mad Max. Nous assumons notre humanité comme nous assumons la fragilité de la Terre.

Idées
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