Priés de débarrasser les planches

La ville de Corbeil-Essonnes expulse
l’École départementale de théâtre 91, dont l’enseignement est pourtant remarquable.

Gilles Costaz  • 3 mars 2011 abonné·es

À Corbeil-Essonnes, où plane l’ombre omniprésente de Serge Dassault, l’activité culturelle fleurit mal. Il y a quelques années, l’État était obligé de retirer le centre dramatique national que le ministère de la Culture et la mairie avaient installé dans le très beau théâtre de la ville. Dassault, alors maire de la cité, n’en voulait plus ! Jean-Claude Penchenat et son équipe ruèrent dans les brancards puis firent leurs bagages, écœurés. Aujourd’hui, c’est l’École départementale de théâtre, EDT 91, qui est priée de s’en aller de ce même établissement, dont elle occupe quelques salles depuis sept ans.

Dirigée par Christian Jéhanin, présidée par Bernard Castéra (escorté d’Ariane Ascaride comme vice-­présidente), l’EDT 91 est l’un des rares exemples français de conservatoire d’art dramatique départemental. Son enseignement est remarquable, avec un cycle de formation sur deux ans pour les élèves choisis après concours et recevant de 24 à 30 heures de cours par semaine, des ateliers et des stages.

Mais la ville de Corbeil et la communauté d’agglomération Seine-Essonne n’en veulent plus. Dassault n’est plus en poste, mais la majorité présidentielle, victorieuse de justesse après annulation et retour aux urnes, reste fidèle au maître local. Le 12 mars 2010, le nouveau maire de Corbeil, l’UMP Jean-Pierre Bechter, qui est aussi président de la communauté d’agglomération, faisait savoir à l’EDT 91 qu’elle devrait quitter son local en mai 2011. Les responsables de l’école ont cru, un peu naïvement, qu’ils pourraient négocier : on n’allait pas les mettre à la porte en mai alors que les concours se tiennent jusqu’au début juillet. Le silence et les malentendus se sont accumulés.

Et en janvier de cette année l’équipe de l’école était bel et bien sommée de vider les lieux au 31 mai. Pour améliorer le climat, le maire adjoint à la culture, Jean-Michel Fritz, déclarait : « L’EDT 91 ne sert à rien » , oubliant les éloges qu’il avait prononcés les années précédentes. Férocement pragmatique, Daniel Fontaine, vice-­président de la communauté, nous a déclaré : « La salle de théâtre nous coûte cher. On a besoin de recettes supplémentaires. L’EDT 91 ne nous rapporte rien. Après les travaux en 2012, nous prendrons une compagnie en résidence, ce qui nous permettra d’avoir des subventions. »

La rupture s’annonce totale, sur ce territoire où la ville est à droite et le département à gauche. Jéhanin a proposé de continuer le travail avec les acteurs sociaux de Corbeil, même après l’inévitable transfert dans un autre lieu. Réponses négatives sur toute la ligne ! D’où un sentiment de colère face au gâchis et aux nombreux problèmes qui se posent. Les cours ne pourront pas tous aller jusqu’à leur terme. Les élèves sont aussi blessés que les maîtres par le mépris dont l’école fait l’objet. « On a la rage », nous disait l’une des étudiantes.

Le Conseil général de l’Essonne poursuit son subventionnement et son soutien. Mais où aller ? Des contacts sont en cours avec des institutions d’Évry. « Nous poursuivrons notre pleine activité sur le département la saison prochaine » , déclare Christian Jéhanin. L’école a ses enseignants, son programme, son prestige. Mais plus de murs.

Culture
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