Tout ça pour du vent

Patrick Piro  • 3 mars 2011 abonné·es

C’est une méga annonce comme on les aime en France, et c’est le président Sarkozy qui se l’est réservée : le 25 janvier dernier, il confirmait le lancement d’un appel d’offres à 10 milliards d’euros pour l’érection de 600 éoliennes en mer (offshore), d’une puissance totale de 3 000 mégawatts (MW). Cinq sites ont été retenus, de la Loire-Atlantique à la Somme : Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Courseulles-sur-mer, Fécamp et Le Tréport. Les industriels respirent, la ministre de l’Écologie salue « une victoire sur les climato-sceptiques et les grenello-sceptiques » , alors que la colère gronde dans le milieu du photovoltaïque, frappé par un moratoire. Aurait-on mal jugé les intentions du gouvernement en matière d’énergies renouvelables ?

La France est dotée du deuxième gisement éolien d’Europe, mais cet appel d’offres, qui arrive après un an et demi de retard, suscite des interrogations derrière les congratulations de façade. D’abord en raison des échecs répétés de ce mode d’attribution des projets à énergie renouvelable en France (notamment Eole 2005). Les opérateurs qui les remporteront auront proposé le plus bas prix de vente de leur électricité et le plus grand nombre d’emplois créés. Mais la construction ne démarrera pas avant 2015, lourdeur de la procédure oblige. Et puis le Grenelle de l’environnement prévoit au total l’installation de 6 000 MW en mer d’ici à 2020 : il ne faudra pas chômer.
Mais plus que l’électricité du vent, la France fait surtout le rêve, avec ce lancement, de créer près de 60 000 emplois ainsi qu’une industrie éolienne performante et compétitive. Elle en est pourtant au point zéro de son expérience, avec un très grand retard à combler face à des opérateurs étrangers qui sont les premiers à se frotter les mains : pas un parc français en mer, quand on dénombre près de 1 200 éoliennes au large du Royaume-Uni, du Danemark, des Pays-Bas, de Belgique, d’Allemagne, etc., pour déjà 3 000 MW de puissance.

Comme d’habitude, le gouvernement s’en remet à ses fleurons industriels pour partir à la conquête, et il est frappant de constater à ce sujet le traitement de défaveur dont fait les frais le secteur du photovoltaïque, essentiellement irrigué par des PME régionales. Pour l’appel d’offres éolien, la « dream team » hexagonale se composera d’Altsom, d’Areva, de Technip ou d’EDF énergies nouvelles. Un modèle énergétique conçu autour de grandes unités de production, finalement bien plus proche du nucléaire que de celui du solaire, très décentralisé et composé d’un nombre important d’acteurs diversifiés, à commencer par des particuliers, des collectivités locales, voire des groupes de citoyens à l’échelle d’un quartier.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »
Entretien 8 janvier 2025 abonné·es

« L’exploitation minière, un modèle est intrinsèquement prédateur et destructeur »

Une nouvelle ruée minière a lieu dans le monde, au nom de la transition énergétique. Une fausse solution et des politiques mensongères que décrypte la journaliste et philosophe Celia Izoard.
Par Vanina Delmas
Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique
Écologie 8 janvier 2025 abonné·es

Dans l’Allier, le lithium mine la transition énergétique

Face à l’objectif d’électrification du parc automobile européen, ce métal mou aiguise l’appétit de plusieurs projets industriels en France. Une course à l’exploitation minière qui semble ignorer les principes de sobriété et de nombreux enjeux écologiques.
Par Tristan Dereuddre
Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »
Entretien 11 décembre 2024 libéré

Marine Calmet : « Le mouvement des droits de la nature offre une alternative au capitalisme »

La juriste a une obsession : transformer notre rapport au vivant, et transformer le droit. Dans le livre Décoloniser le droit, elle explique comment le droit français est encore le fruit d’un projet néolibéral et colonial, et dit l’urgence qu’il y a à le bouleverser.
Par Vanina Delmas
Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »
Luttes 4 décembre 2024 abonné·es

Écologie : « En France, nous voyons un réseau d’entraide entre les luttes se former »

Le chercheur Gaëtan Renaud a mené pendant huit mois une enquête auprès des collectifs citoyens qui ont bataillé et gagné face à des grands projets imposés et polluants entre 2014 et 2024. Il nous livre un panorama de ces dix années de luttes locales qui ont fait bouger quelques lignes. Entretien.
Par Vanina Delmas