Aaah, les braves petites gens
dans l’hebdo N° 1147 Acheter ce numéro
Revient en boucle, ces temps-ci, dans l’éditocratie, l’affirmation qu’il faut cesser de prétendre que les braves petites gens (aaah, les braves petites gens , tâtez-moi ça si c’est bonnasse) qui votent pour l’FN seraient des « cons » , c’est pas bien de les stigmatiser sous l’exagéreux prétexte qu’ils ont des envies d’extrême droite, ç’a des airs de mépris de classe, et ça, le mépris de classe, l’éditocratie connaît bien.
Bon, prenons le truc dans l’autre sens, et considérons Toto, qui fut l’un de ces humbles-mais-dignes salariés vers qui l’éditocratie lance, tous les deux, trois ans, l’avertissement qu’il faut maintenant qu’ils se laissent réformer la retraite (puis la Sécu, mais chaque chose en son temps), vu qu’ils ne peuvent pas non plus escompter, les salauds de pauvres, qu’ils auront dans une même vie le beurre d’un salaire mensuel de 750 euros et l’argent de ce beurre (sous la forme d’une pension de plus de 600 euros sitôt qu’ils auront cumulé 74 annuités), faut quand même pas pousser trop loin la Bettencourt dans les orties. Son patron vient de licencier Toto (non sans le gratifier d’une chaleureuse poignée de mains) pour mieux complaire à ses actionnaires texans, qui avaient besoin de liquidités : la Pen, du haut de son programme ultralibéral, se penche vers Toto et lui raconte à l’oreille que si trois cents millions d’immigré(e)s ne lui avaient pas investi le faubourg, il ferait encore partie de la grande et belle famille des privilégié(e)s bénéficiaires d’un émolumensuel de 750 euros, et si tu votes pour moi, Toto, je vais les remettre dans des bateaux façon Chantal Brunel, les muslim invaders , et c’en sera fini de tes soucis de pécune ; vois d’ailleurs, Toto, comme tes frères prolétaires sont épanoui(e)s, dans les contrées qui ont su tenir loin d’elles les hordes mahométanes, vois, Toto, comme l’Argentin(e) profite de la vie au paradis capitaliste, allez, viens, Toto, viens danser le tango des marchés.
Là, Toto, qui n’est point (du tout) si benêt que dans les dissertations de l’éditocratie (où l’on aime donc juger qu’il est de naissance perdu pour la raison raisonnée), fait à la Pen la suggestion de changer vite fait de parfum, vu que ses fragrances reagano-xénophobes l’incommodent salement – puis tu bouges de là, steuplaît, j’ai un front social à terminer avec Jean-Luc et Mohammed.
Ou alors, Toto fait le choix, de facilité, de se laisse enfumer par la Pen, et se met à rêver que dans une France 100 % consanguine (du haut de ce mirador, trois siècles d’endogamie white-white-white vous contemplent), les patron(ne)s seraient super-gentil(le)s – et je vois vraiment pas ce qui pourrait alors nous empêcher de constater que Toto est un très, très, très gros nigaud, parce que bon, la condescendance mielleuse, façon faut-comprendre-la-plèbe-qui-n’a-pas-notre-éducation, si tu veux bien, on va laisser ça aux éditocrates.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.