De Tchernobyl à Fukushima, un avenir irradié
Un million de morts : tel est le terrible bilan de la catastrophe de Tchernobyl selon les études indépendantes. À Fukushima comme à Tchernobyl, les autorités continuent de dissimuler la vérité. En France, les malades de la thyroïde se mobilisent pour connaître enfin les conséquences du nuage.
dans l’hebdo N° 1149 Acheter ce numéro
Vingt-cinq ans, l’espace d’une génération. Le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl explose. 1989, chute du Mur : le monde occidental empressé exile l’image de la monstrueuse catastrophe dans les oubliettes de l’histoire, avec les autres reliques du régime. Un méchant accident industriel appartenant à d’autres ? Une vue de l’esprit. Le 26 avril 2011, la plaie n’est toujours pas suturée. Au propre : le sarcophage de béton, bâti pour confiner la bête atomique, fuit, martyrisé par les radiations qui condamnent le site pour des siècles. La gangue de remplacement coûtera 1,5 milliard d’euros (avant les dérapages budgétaires…). Les difficultés techniques la condamnent par avance à ne pas durer plus de cent ans.
Autour, la rémission n’est pas non plus pour demain. Des milliers de kilomètres carrés de sols sont toujours contaminés, pour des décennies. Près de 8 millions de Biélorusses, d’Ukrainiens et de Russes, revenus ou jamais partis, acceptent ou occultent les risques d’une exposition quotidienne au césium 137 incrusté dans des sols impossibles à décontaminer : il faut bien vivre, de préférence chez soi. Comme ces malades du sida pris par le relapse , certains « Tchernobyliens » baissent la garde, moins attentifs à leur consommation de pommes de terre ou de champignons radioactifs. Ce sont les enfants d’alors, et nés depuis, qui payent le tribut le plus élevé. Vingt-cinq ans plus tard, une génération « cancer de la thyroïde » de 5 000 jeunes se débat avec une obscène épidémie léguée par Tchernobyl.
Le 11 mars 2036, dans un quart de siècle, quel sera l’héritage de Fukushima, qui vient de rejoindre la centrale soviétique au niveau 7, maximum, sur l’échelle de gravité des accidents nucléaires ? Comme un gros ou un petit Tchernobyl ? L’étalonnage entre les deux catastrophes vedettes est en vogue, promu notamment par les autorités nucléaires. Une contrition ? Plutôt une tentative anxieuse pour circonscrire le désastre japonais, immense inconnue encore par son ampleur, dans un cadre de référence. Fût-il aussi sordide que Tchernobyl.
À voir -> Le diaporama photo (en accès libre) du reportage écrit de Claude-Marie Vadrot, La vie en zone radioactive.
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