Fessenheim la boiteuse
Alors que Fukushima libère toujours des flots de radioactivité, de multiples appels réclament la fermeture de la plus vieille centrale française.
dans l’hebdo N° 1147 Acheter ce numéro
Dès le début de la catastrophe de Fukushima, les écologistes ont désigné à l’opprobre public la plus boiteuse des centrales nucléaires françaises : Fessenheim, à la frontière allemande, à 20 km de Mulhouse et à 40 km de la Suisse. Ses deux réacteurs de 900 MW, les plus anciens de France (en service depuis 1977), ont déjà cumulé nombre d’incidents. Plus d’une vingtaine en 2009 : alarmes en panne, ouverture accidentelle de vannes, blocage du circuit de refroidissement… Dix jours après le tsunami japonais, 10 000 personnes défilaient à Chalampé (Haut-Rhin) pour exiger leur fermeture. Deux jours plus tard, des élus allemands du Bade-Wurtemberg, le Land voisin, demandent la mise à l’arrêt de la centrale lors d’une réunion de sa commission locale d’information et de surveillance, dont ils sont membres : Fessenheim est détenue à 17,5 % par une compagnie d’énergie du Land, et à 15 % par un consortium suisse. Sans succès. Mais le 27 mars, le Bade-Wurtemberg a vu la victoire historique des Verts allemands aux élections régionales : le ton risque de monter. D’autant que deux cantons suisses voisins, Bâle-ville et Bâle-campagne, tenus également par des écologistes, ainsi que le conseil régional de Franche-Comté ont réclamé la semaine dernière la fermeture de Fessenheim.
Vétuste, la centrale est aussi l’une des plus exposées aux risques. Elle est construite en contrebas du Grand Canal d’Alsace. La digue tiendrait-elle en cas de crue millénale ? Un événement peu probable – mais le séisme japonais ne l’était pas plus. Par ailleurs, la région est sismique. Fessenheim est conçue pour encaisser un tremblement de terre de magnitude 6,7, en référence au plus violent séisme recensé dans la région (6,2 à Bâle en 1356) : une marge dérisoire au regard d’un séisme d’ampleur exceptionnelle, qui ne peut être exclu. La méthode de calcul des Français est contestée, par les Suisses notamment, qui jugent plus pertinent de dimensionner la sûreté en évaluant la probabilité et l’ampleur d’une rupture des failles géologiques. Mais EDF rechigne à financer de coûteux travaux d’adaptation.
Vaine polémique ? Fessenheim pourrait être recalée aux tests de sûreté que va imposer l’Union européenne à ses 143 réacteurs d’ici à fin 2011, afin d’évaluer leur comportement face à une combinaison d’aléas (séisme, inondation, perte d’alimentation ou des systèmes de refroidissement…) [^2]. Si la centrale « ne pose pas de souci particulier » , selon André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), il souligne qu’il faudra « certainement réévaluer certains risques » , et « qu’on ne peut garantir qu’il n’y aura jamais d’accident grave en France » . Ainsi, n’exclut-il pas un moratoire sur le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche), qu’il juge « très compromis » au nom de doutes sur la sûreté de cette nouvelle génération de réacteurs. Un ton nouveau, en France.
[^2]: Le gouvernement français veut en exclure le risque d’attentat (crash d’un avion de ligne, par exemple).