La loi sur le voile intégral, «difficile à appliquer»

La loi interdisant le voile intégral dans l’espace public est entrée en vigueur aujourd’hui. Au terme d’un débat de près de deux ans, la mesure, politiquement décriée, est jugée « très difficile à appliquer » par les syndicats de policiers.

Milhan Guy  • 11 avril 2011
Partager :
La loi sur le voile intégral, «difficile à appliquer»
© Photo : AFP / Pascal Le Segretain

« Les tenues » qui « rendent impossible l’identification de la personne » sont désormais passibles de 150 euros d’amende. Le port d’une cagoule, d’un masque et bien sûr du voile intégral pourront aussi être sanctionnés par une obligation de participer à un stage de citoyenneté.

En France, premier pays européen à se doter d’une telle mesure, environ 2 000 femmes porteraient un voile intégral, d’après plusieurs estimations. En cas d’infraction à cette nouvelle législation, ce sera à la femme elle-même de retirer son voile. Concrètement, les agents de police ne sont pas autorisés à le faire par la force. En cas de refus, ils devront conduire l’intéressée au poste de police « pour établir avec certitude son identité » , d’après une circulaire du ministre de l’Intérieur du 4 avril.

Les syndicats de policiers ont fait connaître leur embarras face à cette nouvelle interdiction : « La loi sera très difficile à appliquer , estime Philippe Capon, secrétaire général d’Unsa police. Nous avons l’obligation légale de demander à ces personnes de retirer leur voile, alors qu’elles sont pour la plupart très engagées. À certains endroits on craint même que ce type d’intervention ne dégénère ».

Un bémol dans la belle partition que le gouvernement a longuement préparée pour « expliquer » cette loi. Un site internet lui a été dédié et le gouvernement s’est appuyé sur l’association Ni putes, ni soumises (NPNS), en subventionnant des « ambassadrices » chargées « d’expliquer la loi » . L’association, jointe par Politis.fr, confirme l’existence d’un projet « d’ambassadrice de l’égalité et de la laïcité » financé à hauteur de 50 000 euros et d’un cycle de débats, encore en cours. Tout en s’empressant d’ajouter que ce programme dépasse la simple question du voile intégral.

Seconde mesure prévue par la loi, plus difficile à appliquer encore, le délit consistant à « imposer à une personne (…) par violence, contrainte, abus d’autorité ou de pouvoir » le port du voile intégral. Ce nouveau délit sera passible d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Interrogé sur France Inter ce lundi matin, Manuel Roux, secrétaire général adjoint du Syndicat des commissaires de police, l’a jugé « quasiment impossible » à appliquer.

Illustration - La loi sur le voile intégral, «difficile à appliquer»

Sur le parvis de la cathédrale Notre Dame à Paris, trois personnes ont été interpellées, lundi, pour vérification d’identité. Elles manifestaient, voilées, leur opposition à la nouvelle loi.


→ Soutenez le prochain reportage de Politis.fr en Amérique du Nord, à la rencontre des victimes de l’exploitation des gaz de schiste et des militants opposés à cette technique destructrice.

Politis.fr

Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

8 mars 2025 : « Le jour où le mouvement féministe a repoussé l’extrême droite »
Reportage 9 mars 2025 abonné·es

8 mars 2025 : « Le jour où le mouvement féministe a repoussé l’extrême droite »

Face à la venue annoncée de collectifs d’extrême droite ou soutien d’Israël, les collectifs du 8 mars s’étaient organisés pour faire de cette journée de lutte pour les droits des femmes un moment de lutte antifasciste.
Par Pauline Migevant
Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens
Syndicats 7 mars 2025

Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens

Alors que les forces politiques se divisent suite à l’abandon américain de l’aide à l’Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et travailleuses ukrainiennes, défendant tous une « paix juste et durable ». La question de l’Europe de la défense ne fait pas l’unanimité.
Par Pierre Jequier-Zalc
Torture : Amnesty dénonce les dérives du Taser
Armement 6 mars 2025 abonné·es

Torture : Amnesty dénonce les dérives du Taser

Arme controversée du maintien de l’ordre, le Taser est régulièrement présenté comme une alternative non létale aux armes à feu. Pourtant, un rapport accablant de l’ONG révèle son utilisation massive comme acte de torture à travers le monde.
Par Maxime Sirvins
« Les prisonniers sont nos concitoyens »
La Midinale 5 mars 2025

« Les prisonniers sont nos concitoyens »

Alors que la surpopulation carcérale a atteint un record en février, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, est l’invitée de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien